John Pecman : Les réformes du droit de la concurrence doivent être repensées

Les modifications proposées pourraient causer un préjudice important aux entreprises et à l’économie canadienne

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Le plan du gouvernement Trudeau pour une victoire rapide sur la réforme du droit de la concurrence signifie que des modifications importantes à la Loi sur la concurrence seront soumises au Parlement avec peu d’examen. En vertu du calendrier législatif proposé, il n’y a tout simplement pas assez de temps pour mener des consultations adéquates sur les réformes proposées dans la Loi d’exécution du budget (LFI). La réforme du droit de la concurrence se fait attendre depuis longtemps, mais il est irresponsable de ne pas permettre aux Canadiens d’examiner les modifications législatives majeures enfouies dans un projet de loi budgétaire omnibus. Et puisqu’un vote sur un projet de loi budgétaire est un vote de confiance, les partis d’opposition voulant ralentir la réforme devraient menacer de forcer une élection.

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Les modifications de la LFI élargiraient la portée de la Loi sur la concurrence, une mesure qui suit une tendance mondiale à des sanctions plus sévères et à une application plus stricte des lois sur la concurrence. Mais il y a de graves lacunes dans les modifications proposées et le potentiel de préjudice important pour les entreprises et l’économie canadienne.

Un amendement ajouterait une nouvelle disposition pénale interdisant la fixation des salaires et les accords de « non-débauchage » entre employeurs non affiliés. Les employeurs reconnus coupables d’avoir enfreint cette disposition seraient passibles d’une amende illimitée et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans, même si l’accord n’avait aucune incidence sur la concurrence au Canada. En vertu de la loi actuelle, le Bureau de la concurrence peut déjà prendre des mesures d’exécution contre ces types d’ententes au moyen d’une disposition civile qui interdit les ententes entre concurrents, mais exige au moins d’évaluer l’effet anticoncurrentiel réel de ce qui a été fait. Cette approche est plus logique, étant donné les études économiques qui suggèrent que les accords de fixation des salaires et de non-braconnage peuvent avoir des effets positifs – par exemple, en réduisant les coûts pour les employeurs et en abaissant les prix pour les consommateurs.

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En plus de lourdes sanctions pénales, les employeurs non affiliés concluant des accords de fixation des salaires ou de non-débauchage seraient soumis à des actions privées en dommages-intérêts, y compris des recours collectifs. Étant donné que les demandeurs privés ne sont pas liés par le « pouvoir discrétionnaire des poursuites », le résultat peut être une prolifération de recours collectifs frivoles, longs et coûteux contestant une conduite qui peut ne pas être réellement anticoncurrentielle. Un autre problème grave est que le gouvernement fédéral n’a peut-être pas compétence pour légiférer en matière de travail, un domaine qui, selon de nombreux observateurs, relève de la compétence provinciale.

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Un deuxième amendement augmenterait considérablement les « sanctions administratives pécuniaires » (SAP) pour certaines infractions civiles, apparemment dans la conviction que les sanctions existantes au Canada sont nettement en décalage avec leurs homologues internationaux. La nouvelle législation autoriserait des SAP pouvant aller jusqu’à 3 % des revenus mondiaux d’une entreprise. Les grandes entreprises internationales actives au Canada pourraient être exposées à des sanctions totalement disproportionnées par rapport à la conduite illégale (qui peut en fait être pro-compétitif, rappelez-vous). Lier les pénalités aux revenus mondiaux pourrait également dissuader les acteurs internationaux d’investir au Canada. Inutile de dire que le Parlement ne devrait pas introduire de sanctions qui pourraient violer les protections de la Charte contre les amendes excessives.

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Il est souvent très difficile pour les entreprises de savoir à l’avance si une conduite donnée est anticoncurrentielle, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles les grandes SAP n’ont pas fait partie de la Loi sur la concurrence, certainement pas aux niveaux punitifs actuellement proposés. Mais les modifications élargiraient également les droits d’accès privé au Tribunal de la concurrence dans les cas d’« abus de position dominante » — ceux alléguant qu’un fournisseur dominant a abusé de sa position. Cela pourrait également exposer les entreprises à des SAP importantes.

Une autre modification proposée élargirait les facteurs que le gouvernement pourrait prendre en considération en vertu des dispositions sur l’abus de position dominante, les fusions et la collaboration entre concurrents. Mais les modifications proposées sont curieusement vagues, ce qui a suscité de vives inquiétudes dans l’industrie. Ils soutiennent, par exemple, que « l’affaiblissement de la concurrence » et toute « réponse discriminatoire à un concurrent réel ou potentiel » sont des violations de la Loi sur la concurrence. Mais un langage aussi large pourrait couvrir presque toutes les réponses à un concurrent, y compris les baisses de prix pour les clients, et pourrait donc gravement refroidir la concurrence. Ne pas définir correctement les termes clés de la loi rendra son application incertaine, au détriment potentiel des entreprises et des consommateurs.

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Ces préoccupations concernant seulement trois des modifications proposées devraient donner au gouvernement une raison suffisante pour faire une pause. L’Association du Barreau canadien a souligné d’autres problèmes sérieux avec les modifications proposées. Le ministre de l’Innovation, de la Science et de l’Industrie, qui est responsable de la politique de la concurrence, a indiqué qu’il voulait améliorer la Loi sur la concurrence avec soin. Le gouvernement devrait mettre un terme à la mise en œuvre des modifications de la LFI sur la concurrence et entreprendre des consultations approfondies pour éviter des conséquences imprévues qui pourraient nuire aux Canadiens et à leur économie.

John Pecman, ancien commissaire de la concurrence, est conseiller principal en affaires au sein du groupe Concurrence, marketing et investissement étranger du cabinet d’avocats Fasken.

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