Philip Cross : décarboniser la production et non la consommation de combustibles fossiles

La sélection par Ottawa du secteur pétrolier et gazier pour des réductions d’émissions démesurées pourrait avoir un bon côté

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Lundi, le gouvernement fédéral a lancé une consultation sur l’opportunité d’utiliser un système de plafonnement et d’échange ou une taxe sur le carbone pour réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier canadien de 40 % d’ici 2030, soit dans huit ans. On demande à l’industrie de réduire ses émissions au-delà de l’objectif national de 30 % en payant plus que la taxe existante sur le carbone ou en réduisant sa production, ce qui ne semble guère être ce dont le monde a besoin alors qu’il fait face à une pénurie croissante d’énergie.

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Le fait que le gouvernement fédéral ait choisi le secteur pétrolier et gazier pour des réductions d’émissions démesurées pourrait toutefois avoir un côté positif. Il est de plus en plus reconnu dans le secteur des entreprises, voire au sein du gouvernement, que la décarbonisation de nos approvisionnements en combustibles fossiles est un moyen moins coûteux et plus efficace de réduire les émissions que la décarbonation de leur consommation. Ce dernier implique la refonte des billions de dollars de capital social investis dans nos « mines, champs de pétrole et de gaz, centrales thermiques, barrages hydroélectriques, réseaux de pipelines, ports, raffineries, aciéries, fonderies d’aluminium, usines d’engrais, chemins de fer, des autoroutes à plusieurs voies, des aéroports, des centres-villes dominés par des gratte-ciel et de vastes banlieues », selon les mots du scientifique environnemental Vaclav Smil.

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De plus, la décarbonisation du pétrole et du gaz sera nécessaire même dans un avenir net zéro car on ne peut raisonnablement s’attendre à ce que certaines utilisations des combustibles fossiles disparaissent (notamment leur utilisation généralisée comme matière première dans la fabrication de tout, des vêtements aux plastiques). C’est pourquoi l’Agence internationale de l’énergie s’attend à ce que la production de combustibles fossiles soit encore substantielle de 24 millions de barils par jour dans son scénario net zéro pour 2050.

La réduction des émissions provenant de la production de pétrole et de gaz coûtera cher. Certaines réductions, comme l’élimination du méthane, sont relativement faciles, c’est pourquoi le gouvernement s’attend à ce qu’elles diminuent de 75 % d’ici 2030. D’autres réductions impliquant la capture et la séquestration du carbone nécessiteront des milliards de dollars d’investissement pour capturer les émissions et les expédier par pipeline vers être enterré sous terre. Des investissements supplémentaires seront également nécessaires si de petits réacteurs nucléaires modulaires remplacent le gaz naturel actuellement utilisé pour faire fondre le bitume des opérations in situ des sables bitumineux.

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Le fait que la décarbonisation des combustibles fossiles plutôt que de réoutiller toute notre société pour abandonner l’utilisation des combustibles fossiles permettrait d’économiser des billions de dollars rend attrayant pour les gouvernements de subventionner ces efforts, soit par des subventions directes, soit par des crédits d’impôt, car l’Alberta et le gouvernement fédéral gouvernements ont proposé dans leurs budgets du printemps.

Si le Canada choisit de réduire considérablement son empreinte carbone, il n’a vraiment pas d’autre choix que de décarboniser ses approvisionnements en combustibles fossiles. Il n’y a aucune perspective que les barrages hydroélectriques ou l’énergie éolienne et solaire puissent se développer suffisamment au cours de la prochaine décennie pour répondre à la croissance prévue de la demande d’électricité. Peu de grands projets hydroélectriques sont envisagés, car la plupart des grandes rivières descendant rapidement au Canada ont déjà été endiguées, tandis que des dépassements coûteux et des projets controversés comme Muskrat Falls à Terre-Neuve et le site C en Colombie-Britannique. L’énergie éolienne et solaire ne s’est pas avérée fiable ou concurrentielle pour devenir des sources d’énergie importantes au Canada. Le nucléaire devrait être une alternative, mais les écologistes ont réussi à le diaboliser injustement et aucune province n’investit significativement dans le nucléaire. Ainsi, la seule perspective réaliste de répondre à notre demande croissante d’électricité tout en réduisant les émissions est de décarboniser le pétrole et le gaz brûlés dans les centrales électriques.

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Mais il y a des trous béants dans la stratégie fédérale de réduction des émissions. Il ne tient pas compte des « fuites de carbone », dans lesquelles les réductions des émissions du Canada sont réalisées en important des biens de pays comme la Chine où ils sont produits à plus forte intensité de carbone. Le Canada ne reçoit pas non plus de crédit pour avoir aidé d’autres pays à réduire leurs émissions, par exemple en faisant passer leurs centrales électriques au gaz naturel plutôt qu’au charbon. L’objectif de réduction des émissions doit être mondial et non national.

Cela ne veut pas dire que les Canadiens voudront poursuivre la décarbonisation de leur production ou de leur consommation de combustibles fossiles. Les émissions du Canada ne représentent que 1,5 % du total mondial (la Chine à elle seule en produit 26,0 %). Il serait compréhensible que les Canadiens remettent de plus en plus en question le sacrifice de leur niveau de vie alors même que les émissions montent en flèche dans les pays émergents comme la Chine et l’Inde. Toutes les grandes nations continuent de lutter pour proposer un plan efficace de réduction des émissions tout en répondant à la demande énergétique. La Cour suprême des États-Unis a récemment resserré les limites des réglementations de l’EPA visant à réduire les émissions, tandis que le Sénat a rejeté la semaine dernière le plan de lutte contre le changement climatique du président Biden. Pendant ce temps, l’Europe annule les réductions prévues des centrales électriques à combustibles fossiles, l’UE demandant aux pays membres de commencer à rationner le gaz naturel après que la Russie a déclaré la force majeure sur ses expéditions.

Comme le dit le proverbe, aucun plan militaire ne survit au contact avec l’ennemi. Il en va de même pour les plans gouvernementaux de réduction des émissions de carbone. La transition vers des émissions plus faibles s’avère plus compliquée que ne l’imaginaient les défenseurs de l’environnement et les planificateurs gouvernementaux. Décarboner la production de combustibles fossiles tout en continuant à les consommer peut être le meilleur moyen de réduire les émissions tout en maintenant notre niveau de vie.Philip Cross est chercheur principal à l’Institut Macdonald-Laurier.

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