D’une petite tribu nigériane à une grande maison d’édition américaine

NEW YORK, MON VILLAGE
Par Uwem Akpan

Il est impossible de trouver le village d’Ikot Ituno-Ekanem, foyer de la tribu Annang dans le delta du Niger, sur Internet. C’est de là que vient Ekong Udousoro, le protagoniste du premier roman d’Uwem Akpan, « New York, mon village ». Lorsque nous rencontrons Ekong, il est un ancien professeur et rédacteur en chef à Uyo, au Nigeria, en train d’obtenir un visa pour se rendre à New York pour une bourse, du nom de Toni Morrison, à la maison d’édition fictive Andrew & Thompson. Là, il doit éditer une anthologie sur la guerre du Biafra qui fera découvrir à un plus grand public les atrocités commises contre son peuple.

Akpan est précis en équilibrant l’optimisme (parfois) naïf de son personnage principal avec la connaissance de son lecteur de l’homogénéité de classe et de race dans l’édition occidentale. C’est avec une grimace et un rire que l’on lit la prédiction d’Ekong : « Ce devait être ma première fois en Amérique. J’avais vu beaucoup d’Amérique à la télévision et je parlais l’anglais américain, donc ça n’allait pas être si compliqué. Mais résumer le livre comme une satire sur l’industrie de l’édition de New York minimise ses objectifs. Avant d’arriver dans la ville titulaire, Ekong se voit refuser un visa à deux reprises car il ne peut prouver l’existence de sa tribu ou les crimes de guerre auxquels elle a survécu, ce qui fait douter les responsables de l’ambassade de la légitimité de son projet à New York. « Quel genre de pays au XXIe siècle ne peut même pas compter ses groupes ethniques ? il se demande. « Comment savoir qui est qui ? Le prix du manque de ces connaissances de base doit-il être par erreur abattu avec d’autres ? Comment devient-on minoritaire ? Comment arrêter d’être minoritaire ?

La réponse à cette dernière question est le succès du livre. L’examen d’Akpan de l’industrie de l’édition sert moins à se moquer qu’à tracer les manières dont le récit est essentiel dans la formation de groupes culturels. On demande souvent à divers personnages d’écrire des mémoires qui situeraient leur identité dans un traumatisme, un précepte qu’Akpan rejette fermement. Il s’agit d’un livre dans lequel les spirituals afro-américains sont surnommés « chansons ultra-tristes sur l’esclavage », et qui encourage plutôt le holisme littéraire. L’anthologie de 600 pages d’Ekong, comme ce roman lui-même, étend sa sympathie à la fois aux Annangs et aux Biafrans, englobant des textes de Chinua Achebe, SE Orobator, Brig. Le général Godwin Alabi-Isama et d’autres.

Cela ne veut pas dire qu’Akpan envisage une harmonie universelle – les relations interpersonnelles se compliquent par des idéologies ethniques et raciales étroitement ancrées. Les relations d’Ekong à la maison et à l’étranger sont continuellement perdues et retrouvées alors que les personnages naviguent entre les identités culturelles différentes. Keith, son voisin afro-américain à New York, confond rapidement ses expériences avec celles des Noirs africains ; et Molly, l’éditeur d’Andrew & Thompson, qui passe au blanc, fait des efforts de diversification qui se manifestent parfois par des micro-agressions elles-mêmes. Le mariage d’Ekong avec Caro, de retour au Nigeria, est mis à rude épreuve par la trahison de son grand-père pendant la guerre. Plus frappant encore, il y a Ujai, la fille élevée aux États-Unis de l’ami d’enfance d’Ekong, qui représente « notre diaspora noire brûlante des deux côtés ».

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