Critique : « Brother Alive », de Zain Khalid

Autrefois étoile montante de la communauté religieuse, l’imam Salim déchante face aux institutions inexorables. « J’ai rencontré des cheikhs, des descendants d’empires médiatiques, des magnats du pétrole et des mollahs qui ont mené des révolutions contre des cheikhs et des magnats du pétrole et des descendants d’empires médiatiques », écrit-il dans une lettre à Youssef. Mais l’infusion de capitaux étrangers, craint Salim, encourage les monopoles de la pensée aussi bien que de l’industrie. L’enquête de Khalid intègre le milieu universitaire, l’immobilier et l’électoralisme, n’en épargnant aucun.

« Brother Alive » est une lecture nerveuse et épisodique, mais ses pivots donnent à réfléchir dans leur ampleur. Les chapitres romantiques de New York s’articulent autour de scènes familiales chaleureuses et de promenades nostalgiques à travers la ville. Dans la seconde moitié bavarde et décousue du livre, la nostalgie est rejetée par une vague de balles et de guerre biologique. Le contraste s’apparente aux exercices de logique des titres plus grungy de DeLillo, tels que « Great Jones Street » (1973) et « Mao II » (1991). Dans « Brother Alive », l’effondrement narratif suscite des questions successives : les croyants choisissent-ils leur foi ? Comment vivre autrement dans un système construit sur la souffrance ? L’éclat hollywoodien séduisant des premiers chapitres est dépouillé, révélant un ventre de conspirations. Les hommes meurent, les mouvements dépérissent et les corporations restent.

Khalid est un commentateur si doué que ses méthodes méritent d’être examinées de près. Brother prend des formes dignes d’une ménagerie selon son humeur, se nourrissant des émotions de Youssef comme un parasite; dans la plupart des cas, Brother se sent aussi réel que les frères et sœurs en chair et en os de Youssef. Pourquoi tant de réalisme magique dans un roman sur le commerce saoudo-américain ? Bien que son allégorie soit ancrée dans l’actualité, « Brother Alive » n’est ni un communiqué de presse ni un document de position. Les phrases de Khalid regorgent de métaphores fleuries et poétiques tout en conservant le tempo déclaratif et tronqué de l’Écriture. En visitant le Mémorial du 11 septembre avec Dayo, Youssef contemple les gratte-ciel du quartier financier. « Les bâtiments de la zone étaient des feuilles de calcul diaphanes, leurs cellules comme des nappes de pétrole », remarque-t-il. Youssef évalue son monde brisé et, malgré ses efforts, ne peut en imaginer un meilleur.

Son désespoir de le faire le conduit à la folie. « Brother Alive » est Rushdie sans aucune cérémonie, un collage brûlant du profond et du banal. Les Staten Islanders de Khalid témoignent de miracles, mais l’arrondissement conserve une solennité morne et statique. Alors que les conglomérats et les gouvernements perfectionnent leurs outils de répression, les visions fantastiques de Youssef agissent à la fois comme un avertissement et une prière. Au milieu du ghetto sans cesse embourgeoisé qu’est les États-Unis, il doit y avoir plus qu’il n’y paraît.

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