Revue Napoléon : Dans le biopic de Ridley Scott, l’amour est un champ de bataille

Revue Napoléon : Dans le biopic de Ridley Scott, l'amour est un champ de bataille

Napoléon raconte l’histoire de toute une nation à travers un seul mariage. L’épopée historique, dirigée par le légendaire réalisateur Ridley Scott, joue vite et librement avec l’histoire pour créer un biopic sur Napoléon à la fois conventionnel et subversif. Scott est heureux de jouer les succès de Dad Movie : de grandes batailles, des détails d’époque méticuleux et quelques blagues extrêmement drôles savamment placées. Mais dans les rythmes dramatiques du film, Scott et le scénariste David Scarpa s’opposent au récit du Grand Homme que suivent tant de biopics historiques. Napoléon n’est pas un film sur un grand triomphe ou sur un échec désastreux. C’est une histoire sur l’insécurité masculine et comment elle peut réduire le monde à la violence.

Le film de Scott raconte les plus grands succès de l’ascension et de la chute de Bonaparte, commençant en 1789, au milieu de la Révolution française, et se terminant par son deuxième exil et sa mort sur l’île de Sainte-Hélène en 1821. À la campagne de puissance et d’ambition de Napoléon se juxtapose sa relation tumultueuse. avec sa femme Joséphine (Vanessa Kirby), qui Napoléon se présente comme une bataille psychosexuelle qui à son tour alimente ses batailles militaristes.

Avec cette structure, Ridley Scott rend Napoléon comme un film qui semble à la fois frustrant et myope et intensément réfléchi. Joaquin Phoenix retrouve le réalisateur pour la première fois depuis les années 2000 Gladiateurdonne une performance qui est une inversion de GladiateurCommode, avide de pouvoir, le rôle qui l’a rendu célèbre. Sous la direction de Scott, Phoenix crée une représentation sobre et superposée du légendaire leader français. Cette version de Bonaparte est extrêmement assurée et extrêmement incertaine, un homme qui se distancie de son propre égoïsme en agissant comme si son accession au pouvoir était une fatalité qui ne nécessite aucune action ou complot de sa part. Avec la perspicacité d’un stratège prudent, Napoléon Bonaparte joue le jeu du roi et de la patrie, bouleversant de manière neutre l’ordre précaire de sa nation et réécrivant l’équilibre des pouvoirs en Europe.

Image : Apple TV Plus

Mais Napoléon ne passe pas beaucoup de temps à insister sur le pouvoir de son sujet. Malgré la vaste portée du film sur 32 ans, Scott et Scarpa gardent le focus du film étroit et son jeu de pouvoir impartial. Considérant la stature de Bonaparte dans l’histoire comme établie, le film donne à Phoenix la possibilité de peindre un portrait de l’homme en conversation avec ses pairs, ses rivaux et sa femme, entre des batailles visuellement saisissantes et méticuleusement rendues. Ces batailles sont formidables : peu de cinéastes disposent des ressources nécessaires pour opérer à cette échelle, et rares sont ceux qui sont aussi efficaces pour rendre magnifiquement la violence des hommes en guerre. Mais en Napoléonles séquences de combat sont aussi des ouvertures romantiques, manifestation violente des lettres torturées que Bonaparte écrit à Joséphine.

NapoléonLa romance centrale de est tumultueuse, car Joséphine ne semble pas épouser Bonaparte par amour, ni pour le pouvoir dans l’intrigue de palais de la France post-révolutionnaire, mais plutôt pour qu’ils puissent s’engager dans une bataille prolongée de volontés et de domination. Elle s’engage ouvertement dans les affaires, faisant la une des journaux parisiens. (« LE VIEUX OISEAU DE BONEY À NOUVEAU PRIS HORS DU NID », » un gros titre chante.) Elle l’humilie et le nourrit alternativement, le détestant et le tolérant. Bonaparte supporte son cocu même si cela le rend téméraire et irrationnel, et ouvre de nouveaux fronts dans sa campagne de dévotion, convaincu que sa persévérance aboutira finalement à une épouse qui lui ressemble comme la France est la sienne. Il ne comprend jamais que son cœur est immunisé contre la puissance de l’empire.

Le couronnement de Napoléon, au cours duquel le nouvel empereur de France se tient debout dans ses insignes et remet une couronne à son épouse Joséphine dans le film Napoléon

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Le résultat est une image à la fois frustrée et discrète d’un homme qui porte son nom à toute une époque historique, ramené sur Terre comme peut-être le cocu le plus accompli d’Europe. Scott, Phoenix et Scarpa ne manifestent pas beaucoup d’intérêt quant à la façon dont les illusions ou les défauts de Napoléon l’ont justifié ou rendu apte à s’emparer de la scène mondiale. Au lieu de cela, ils consacrent les 158 minutes du film à décrire comment l’insécurité incontrôlée d’un homme l’a laissé à jamais insatisfait, entraînant le monde entier avec lui dans son mécontentement. Ils ne prennent pas la peine de mentionner grand-chose de l’influence de Napoléon sur son pays ou sur le monde, ni d’identifier ses intérêts politiques, la manière dont il a apporté le progrès ou est devenu un tyran.

Napoléon ne moralise pas et ne valorise pas son sujet. Ce qu’il fait, à la toute fin, c’est raconter au public combien de soldats français sont morts dans les batailles de Napoléon, tout au long de son voyage vers le sommet du monde et retour. Quelque 3 millions de vies ont été perdues lors des guerres napoléoniennes et des conflits ultérieurs. En comptant ce coût, Napoléon nous rappelle une époque où le monde connu était plongé dans la violence par les passions d’un homme et explore avec quelle facilité les insécurités d’un homme peuvent nous noyer tous dans le sang.

Napoléon sera présenté en salles le 22 novembre et sera diffusé sur Apple TV Plus à une date ultérieure.

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