Revue Magritte : Une vie d’Alex Danchev – portrait virtuose d’une star surréaliste | Livres de biographie

gvu l’omniprésence des images de René Magritte dans notre culture, c’est un choc d’apprendre que personne ne s’est intéressé au surréaliste belge jusqu’à ce qu’il soit presque trop tard. Tous ces hommes au chapeau melon au visage occlus, la pipe qui n’en est pas, les pommes géantes et les nuages ​​menaçants étaient difficiles à aimer et difficiles à vendre jusqu’en 1965, date d’une grande rétrospective au Museum of Modern Art de New York le mettre explosivement sur la carte. Soudain, tout le monde, depuis Andy Warhol et Roy Lichtenstein jusqu’au jeune Ed Ruscha, ne pouvait pas se lasser des taquineries visuelles, des énigmes linguistiques et de l’effet pince-sans-rire de Magritte, qui rendaient les objets banals – peignes, allumettes, cages à oiseaux – à la fois étranges et irrésistibles. Et pourtant, son règne continue : nous sommes désormais tous des Magrittiens, que nous le sachions ou non, décodant automatiquement les puzzles d’espace et d’échelle qui nous sont présentés dans les innombrables publicités et autres arts commerciaux qui restent saturés par sa sensibilité hi-lo.

Pourtant son règne continue... Le surréaliste belge René Magritte.
Pourtant son règne continue… Le surréaliste belge René Magritte. Photographie : Sueddeutsche Zeitung Photo/Alamy

Magritte n’avait plus que deux ans à vivre au moment du salon du MoMA, mourant à Bruxelles en 1967 dans la « villa » qu’il avait commandée à un architecte en utilisant sa fortune naissante. Lui et sa femme Georgette étaient très exigeants sur le fait d’avoir de la moquette mur à mur. Ces touches ternes et bourgeoises sont importantes, car le récit reçu sur la vie de Magritte a toujours été que, contrairement à son imagination choquante et parfois pornographique (une de ses œuvres les plus célèbres montre le corps nu d’une femme coupé en morceaux), sa vie était une d’une respectabilité presque parodique. Il est resté marié à la femme qu’il avait rencontrée à l’âge de 14 ans, portait invariablement un costume comme l’un des hommes de ses photos et promenait le chien (qui s’appelait toujours Loulou) à la même heure chaque jour. Alex Danchev suggère que l’emploi du temps rigide de Magritte et son auto-présentation adaptée pourraient avoir fourni un modèle pour nos propres Gilbert et George.

Danchev, décédé subitement et beaucoup trop jeune en 2016, a sûrement produit la biographie intégrale définitive d’un artiste dont la vie a trop souvent été considérée comme trop ennuyeuse pour qu’on s’en soucie. Le dernier chapitre de ce livre a été complété par l’universitaire Magritte Sarah Whitfield. Mais tout le reste est du pur Danchev – des recherches impeccables, des ressentis profonds et une connaissance des pressions politiques et économiques plus larges en jeu au XXe siècle grâce à son travail de professeur de relations internationales à l’Université de St Andrews. Danchev peut parler de la vie familiale fracturée de Magritte – son père était un tyran et un ennui, sa mère s’est suicidée quand il avait 13 ans – avec autant de perspicacité qu’il apporte au passage de l’artiste de l’art abstrait à l’art figuratif en 1926, ou l’apparition de Des soldats nazis piétinant les rues de Bruxelles en mai 1940.

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Le passage à l’art figuratif s’est produit à peu près au moment où Magritte a décampé à Paris, dans une tentative de côtoyer les étoiles régnantes du surréalisme – André Breton, le poète Paul Éluard, Max Ernst, Salvador Dalí et les autres. Inévitablement, c’était une période agitée. Magritte était truculent, s’accrochant à son statut d’outsider (il a pris un appartement loin dans la banlieue) tout en voulant montrer aux citoyens français qu’il pouvait leur en donner pour leur argent. En retour, ils se moquaient de son accent wallon et de sa grossièreté (son costume se lisait comme un employé de banque petit bourgeois plutôt que comme un déguisement ironique).

Pourtant, ce fut une période extrêmement prolifique et productive. C’est alors que Magritte a commencé à expérimenter ses images de mots, qui restent ses œuvres les plus connues. Dans ceux-ci, il a entrepris de briser les connexions périmées entre le texte et une image particulière. La grande percée est venue avec La Clef des Songes (L’interprétation des rêves), une peinture divisée en quatre panneaux. En haut à gauche se trouve un fourre-tout étiqueté « Le ciel » (« le ciel ») ; en haut à droite, un canif, étiqueté « L’oiseau » (« l’oiseau ») ; en bas à gauche, une feuille, étiquetée « La table » (« la table ») ; en bas à droite, une éponge, étiquetée « L’éponge ». C’était un format qu’il répétait plusieurs fois, chaque itération faisant davantage comprendre la nature arbitraire et perfide du langage. Il n’est donc pas surprenant que des décennies plus tard, des post-structuralistes comme Derrida et Foucault n’aient pas pu se lasser des images de Magritte, qui en surface passent pour des gags, mais qui comprenaient en réalité une profonde méditation sur l’instabilité du sens dans le monde moderne.

Magritte: A Life est publié par Profile (30 £). Pour soutenir le Guardian and Observer, commandez votre exemplaire à gardienbookshop.com. Des frais de livraison peuvent s’appliquer.

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