Poème de la semaine : Homesick par Hugo Williams | Poésie

Le mal du pays

Les petites cicatrices sur leurs visages
sont les noms de leurs villages,
mis là quand ils étaient jeunes
au cas où ils se perdraient.

Leurs visages sont des cartes
qu’ils emportent avec eux
quand ils partent à travers le monde
pour leur nouvelle vie.

Les cicatrices ressemblent à des traces de larmes
pleuré pour leur enfance
pendant qu’ils se déplacent dans leur travail
dans nos hôpitaux du Nord.

Quand ils me réveillent dans la nuit
pour me donner mes médicaments
ils crient mon nom
et éclaire mes yeux.

Je me réveille sans savoir où je suis.
Les infirmières et moi avons le mal du pays,
pleurer pour être ramené à la maison
à nos villages perdus.

Lignes désactivées, la collection 2019 d’Hugo Williams, explore parmi une variété de thèmes les expériences du poète de la maladie rénale et de la dialyse, suivies d’une greffe de rein réussie en 2014. « Lines off » est une mise en scène, indiquant quand les mots d’un acteur doivent être prononcés hors scène ou hors caméra . C’est un titre qui évoque les liens familiaux théâtraux de l’écrivain, une riche source autobiographique qu’il a souvent puisée dans la poésie, mais dans le contexte actuel, il symbolise également l’envers d’une telle intimité. La maladie semble écarter le malade de la véritable « action » de sa propre existence. En tant que patients, nous semblons devenir moins visibles pour les autres et pour nous-mêmes.

Pourtant, cette aliénation, lorsqu’elle est examinée dans un poème, peut devenir une façon de voir différente et aiguisée. L’esprit laconique caractéristique de Williams et son ton désinvolte sont apparents dans les poèmes de Lines Off, mais la vision est parfois plus surréaliste, peut-être plus proche de celle des poètes du 20e siècle d’Europe orientale et centrale, comme Vasko Popa.

Le mal du pays commence par la défamiliarisation. Les visages du personnel du NHS d’outre-mer qui s’occupent du poète-patient (comme pour tant de « nos hôpitaux du nord » ) sont perçus d’une manière qui suggère une conscience déformée, désorientée mais accrue. Les « petites cicatrices » que portent les visages des infirmières sont à la fois les noms de leurs villages d’origine, mis là durant l’enfance « au cas où elles se perdraient ». Il s’agit d’une perception onirique, maculant ensemble des entités distinctement différentes (cicatrices, lettres, âge adulte, enfance). La voix du narrateur, privilégiant le présent et, jusqu’à la cinquième, une seule phrase par strophe, est toujours celle d’un enfant.

Des cicatrices aux cartes en passant par les traces de déchirure, les marques témoignent de débuts incertains et de voyages physiques risqués. L’expérience réelle de l’émigration et du mal du pays des infirmières, évoquée d’abord de manière symbolique et hallucinatoire, est perçue de manière plus réaliste au fur et à mesure que le poème progresse, comme s’il suivait un processus d’éveil croissant. La vision de l’orateur gagne en clarté et en empathie à partir du milieu de la strophe trois, où les deux dernières lignes se heurtent à un réalisme plat, toujours d’expression enfantine : / dans nos hôpitaux du Nord.

Bien que la perspective de la quatrième strophe soit plus directement personnelle, elle introduit un lien frappant entre l’expérience du patient et les circonstances plus difficiles auxquelles ses soignants ont pu échapper. Le nom crié et la lumière qui brillait dans les yeux évoquent les tactiques de l’État policier – gardes-frontières, arrestations nocturnes, emprisonnements, tortures. Le poète ne s’approprie pas de telles expériences, ni ne suggère que sa propre situation est pire que d’être réveillé de manière inattendue pour recevoir ses médicaments. Mais la réverbération est celle de la terreur, même brièvement enregistrée, menant à la dernière strophe, où le schéma syntaxique antérieur est rompu : « Je me réveille, ne sachant pas où je suis. / Les infirmières et moi avons le mal du pays, / pleurons pour être ramenés à la maison / dans nos villages perdus ». La phrase libre d’une seule ligne au début de la strophe et le passage dans les dernières lignes à un sujet collectif (« Les infirmières et moi… ») sont jugés sans effort.

Le mal du pays est ludique et douloureux. Il s’attaque, métaphoriquement d’abord, aux images de la maison et de l’identité, puis affronte leur perte de front. Tous les participants deviennent des enfants nostalgiques, pleurant pour le village d’enfance sûr, nommé et cartographié dans leur peau. Que l’expérience puisse être reconnue comme partagée peut être son seul réconfort.

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