Philip Cross: les hausses de salaires risquent davantage d’inflation

C’est à la Banque du Canada de convaincre les travailleurs qu’ils n’ont pas besoin d’augmentations en prévision de prix toujours plus élevés

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Statistique Canada a récemment étudié les stratégies déployées par les employeurs pour faire face à la raréfaction de la main-d’œuvre. À l’aide des résultats de l’Enquête canadienne sur la conjoncture des entreprises, l’analyste René Morissette a pu identifier les entreprises qui affirment que les pénuries de main-d’œuvre devraient constituer un obstacle à leur croissance à court terme, puis examiner leur réponse. Les résultats montrent que la récente reprise des augmentations salariales devrait se poursuivre, augmentant les chances d’une spirale prix-salaire qui ferait encore monter l’inflation au-dessus de l’objectif de 2 % de la Banque du Canada.

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Les résultats montrent que 38 % des entreprises du secteur privé s’attendent à ce que les pénuries de main-d’œuvre soient un obstacle en 2022. La plupart des entreprises prévoient des hausses de salaire pour résoudre le problème. Les entreprises en pénurie de main-d’œuvre prévoient d’augmenter les salaires de 6,1 % en 2022, contre 3,6 % pour les autres entreprises. Les pénuries orientent davantage les augmentations de salaire vers les nouvelles embauches que vers les employés permanents : 46 % des entreprises confrontées à des pénuries prévoient d’augmenter les salaires des nouveaux employés, soit quatre fois plus que les entreprises qui ne connaissent pas de pénurie, tandis que 64 % augmenteront les salaires des employés existants, deux fois la part des entreprises sans pénurie. Les entreprises prévoient également d’offrir des avantages et des primes accrus aux employés nouveaux et existants, mais pas dans la même mesure que des salaires plus élevés.

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La plupart des entreprises s’appuient moins sur d’autres stratégies telles que des modalités de travail plus flexibles ou l’investissement dans le capital humain des employés pour faire face aux pénuries de main-d’œuvre. Cela peut refléter soit la résistance des employeurs au travail à distance parce qu’il n’est pas faisable (le travail dans la construction, la vente au détail et les restaurants ne peut généralement pas être appelé par téléphone), soit leur conviction que de tels arrangements ne sont pas aussi attrayants pour les employés que des salaires plus élevés. Seule une petite partie des entreprises envisagent d’investir dans le capital humain de leur main-d’œuvre comme stratégie pour faire face aux pénuries, principalement via une formation dispensée au sein de l’entreprise.

Sous ces grandes tendances, il existe une grande variation dans la stratégie de ressources humaines privilégiée par les différentes industries. Certaines industries où le travail ne peut pas être effectué à distance, notamment l’hébergement et la restauration, doivent compter presque entièrement sur des salaires et des avantages sociaux plus élevés pour attirer et retenir les travailleurs. D’autre part, Morissette a constaté que même les pénuries potentielles n’étaient pas suffisantes pour que les entreprises du commerce de détail, de la construction et de la fabrication offrent des augmentations de salaire supérieures à la moyenne – peut-être parce que ces industries subissent généralement le poids du ralentissement de la demande après que la Banque du Canada a relevé les taux d’intérêt. pour freiner l’inflation.

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De nombreux emplois dans les services financiers, professionnels et « information et culture » peuvent être exercés à distance ou avec des horaires flexibles. Les employeurs de ces industries voient clairement l’offre de travail à distance ou d’horaires flexibles comme un élément clé de leur stratégie pour faire face aux pénuries. Et de nombreuses entreprises de services professionnels, d’information et culturels offrent à la fois des salaires plus élevés et des modalités de travail plus flexibles.

Jusqu’à présent, la perspective d’une pénurie croissante de main-d’œuvre n’a pas poussé les entreprises à se précipiter pour investir dans de nouvelles technologies pour automatiser le lieu de travail. Seulement 9 % des entreprises confrontées à des pénuries de main-d’œuvre déclarent qu’elles prévoient d’adopter des technologies numériques nouvelles ou supplémentaires, contre 4 % des autres entreprises. C’est un effet, mais ce n’est pas vraiment un tsunami. La faiblesse persistante des investissements prévus des entreprises en 2022 confirme que les pénuries de main-d’œuvre ne stimulent pas l’automatisation généralisée du lieu de travail. Le remplacement fréquemment prévu des travailleurs par des robots invoqué par certains pour justifier un revenu annuel garanti devra apparemment attendre encore au moins un an. Les pénuries de main-d’œuvre, et non le chômage de masse, demeurent le principal défi du marché du travail canadien.

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Bien que l’analyse de Statcan se concentre sur la croissance des salaires pour les entreprises confrontées à des pénuries de main-d’œuvre, de nombreuses entreprises paieront des salaires plus élevés même sans la menace de pénuries. Ces augmentations sont menées par trois industries (arts, divertissements et loisirs ; hébergement et restauration ; et vente au détail) qui ont été les plus touchées par les restrictions sur les services en personne au plus fort de la pandémie, bien que la raison exacte pour laquelle elles augmentent les salaires ne sont pas clairs. C’est à ce genre d’augmentation spontanée des salaires, autant qu’aux augmentations cycliques dues aux pénuries, que la Banque du Canada doit se prémunir.

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Dans l’ensemble, les résultats de l’étude de Statcan doivent être inquiétants pour la Banque du Canada. Bien que le passage rapide à des taux d’intérêt plus élevés ait déjà contribué à faire baisser les prix du logement et des produits de base, le risque demeure que la hausse des salaires maintienne l’inflation fondamentale bien au-dessus de l’objectif de 2 % de la Banque. Rien qu’au cours des deux derniers mois, la rémunération horaire moyenne s’est accélérée, passant de 3,3 % de croissance annuelle à 5,2 %. Les salaires plus élevés ne sont pas la cause de l’inflation, mais ils sont essentiels pour que l’inflation s’intègre dans l’économie, c’est pourquoi il est crucial que les paroles et les actions de la Banque du Canada convainquent les travailleurs qu’ils n’ont pas à exiger des augmentations de salaire en prévision de la hausse continue des prix. . C’est cette dynamique du marché du travail, et non l’inflation globale de l’IPC, qui déterminera l’évolution des taux d’intérêt dans les mois à venir.

Philip Cross est chercheur principal à l’Institut Macdonald-Laurier.

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