Par Michael Burt et Pedro Antunes
Au cours des 12 mois se terminant en mars 2023, le Canada a accueilli près de 1,2 million de nouvelles personnes, un record sur une période d’un an. Pour 2023, la croissance démographique devrait dépasser 3 %, un sommet depuis 65 ans.
Cet afflux a donné lieu à des commentaires récents sur les mérites d’attirer si rapidement autant de nouvelles personnes dans le pays. Les inquiétudes vont des tensions sur le logement et les services sociaux à la baisse de l’accessibilité financière, certains accusant également cette situation d’être à l’origine d’une inflation plus élevée. Mais l’immigration n’a pas provoqué la poussée de l’inflation ni conduit la Banque du Canada à resserrer sa politique monétaire. En fait, l’immigration a atténué les tensions extrêmes sur le marché du travail, un facteur essentiel pour limiter les pressions inflationnistes nationales.
Pendant la pandémie, l’immigration a chuté, passant de 531 000 en 2019 à seulement 88 000 en 2020. À mesure que nous avons rouvert l’économie, les dépenses et l’emploi ont bondi, les travailleurs ont pris leur retraite et les marchés du travail se sont resserrés à des niveaux insoutenables. À la fin de 2021, l’économie canadienne s’était plus que remise des pertes d’emplois liées à la pandémie, et au milieu de 2022, le taux de chômage était tombé à un niveau record de 4,9 pour cent, tandis que les postes vacants dépassaient le million.
L’inflation augmentait également. D’abord à cause des effets induits par la pandémie (problèmes de chaîne d’approvisionnement, retard de production pétrolière et demande étonnamment forte de biens durables), puis à cause de la flambée des prix des matières premières qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les effets combinés de la hausse des anticipations d’inflation et des marchés du travail extrêmement tendus sont devenus une préoccupation majeure pour notre banque centrale. Face au risque d’une spirale salaires-prix, la Banque du Canada a entamé une série de hausses rapides et fortes des taux d’intérêt, sachant que l’inflation ne se stabiliserait pas à 2 pour cent dans un marché du travail aussi tendu.
La politique de la banque centrale visait à réduire les dépenses de consommation, les ménages étant contraints de consacrer davantage de revenus au service de leur dette. À terme, cela freinerait les revenus des entreprises et l’embauche, ce qui finirait par affaiblir les marchés du travail et atténuer les pressions sur les salaires. La Banque du Canada ne peut pas influer sur les prix des matières premières ni sur les problèmes des chaînes d’approvisionnement mondiales. La hausse des taux d’intérêt que nous avons subie vise à résoudre un problème à l’intérieur de nos frontières : les employeurs sont confrontés à un manque de travailleurs qui les a empêchés d’augmenter leur production alors que la demande augmentait suite à la réouverture de l’économie.
La hausse de l’immigration a contribué à résoudre les problèmes du marché du travail d’une autre manière. Plutôt que de freiner les dépenses de consommation pour ralentir les embauches, nous avons augmenté l’offre de main-d’œuvre. Au cours des sept derniers mois, malgré de solides gains d’emploi, le taux de chômage a légèrement augmenté, passant de 5,0 à 5,7 pour cent en octobre. De plus, les postes vacants ont diminué de près d’un tiers.
Bien entendu, l’immigration a également accru la demande. Une forte embauche a soutenu la croissance des revenus, et les immigrants qui arrivent au Canada ont besoin d’un endroit où vivre et de dépenser de l’argent pour toutes les nécessités de la vie. Cela ajoute aux pressions de la demande et est particulièrement préoccupant pour l’abordabilité des logements locatifs. Une telle vigueur de la demande démographique sous-jacente est inflationniste alors que l’économie est si peu inutilisée. En accueillir autant en si peu de temps a mis à rude épreuve notre capacité à fournir des services d’établissement, des logements abordables et d’autres nécessités. Mais il ne fait également aucun doute que l’afflux de migrants a atténué la pression massive sur le marché du travail et est donc déflationniste.