Nazila Bettache, Samir Shaheen-Hussain,
7 avril 2022
Le gouvernement Legault a encore une fois rompu une promesse faite aux peuples autochtones, faisant scandale
Appel à l’action 2019 pour enchâsser la notion de sécurité culturelle dans la loi québécoise sur la santé et les services sociaux.
Quand, la semaine dernière, le ministre de la Santé Christian Dubé
a annoncé une réforme majeure de la santé
, promettant un système « plus humain » et s’engageant à aller au-delà des rapports et à agir, il n’y avait aucune mention de la sécurité culturelle dans son plan de 79 pages. Mettre fin au racisme anti-autochtone systémique n’était même pas une note de bas de page. Cette omission a été rapidement dénoncée par les dirigeants autochtones et les travailleurs de la santé.
Après
La mort brutale de Joyce Echaquan
dans un hôpital de Joliette en septembre 2020, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les villes du Québec pour honorer sa mémoire et exprimer leur solidarité envers sa famille, sa communauté et sa nation. En quelques jours, des centaines de soins de santé
travailleurs ont signé notre lettre ouverte
soulignant que s
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Depuis lors, il y a eu de nombreux
demande la mise en place de mesures de sécurité culturelle,
y compris des Autochtones qui ont courageusement parlé de leurs expériences de discrimination.
prescrit des pratiques de sécurité culturelle, appelant le gouvernement à reconnaître plus largement le racisme systémique anti-autochtone. En effet, à la suite de l’enquête publique sur la mort d’Echaquan, le coroner
La première recommandation était que le gouvernement du Québec reconnaisse l’existence du racisme systémique au sein de nos institutions et s’engage à l’éliminer.
Plusieurs établissements de santé, facultés, ordres professionnels et syndicats ont adopté le principe de Joyce. Cependant, le ministère de la Santé a refusé de le faire. Il a plutôt choisi de promouvoir sa « formation de sensibilisation autochtone » auprès de tous les employés du système de santé.
Le volet obligatoire de cette formation, initialement développé pour tous les employés de la fonction publique, aborde les impacts de la colonisation et du colonialisme sur les peuples autochtones du Québec de manière superficielle et historiquement incomplète. Il touche à peine aux soins de santé. À ce titre, il est quelque peu rassurant d’apprendre que seulement 30 % des travailleurs de la santé de la province l’ont complété.
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Nous avons été choqués de ne trouver aucune mention de colonialisme médical ou de racisme anti-autochtone systémique lorsque nous avons terminé la composante obligatoire de la formation. Il n’y a aucune mention de la mort d’Echaquan ou du principe de Joyce. Ian Lafrenière, ministre des Affaires autochtones du Québec, a récemment insisté sur le fait que la sécurité culturelle est « extrêmement importante », mais elle est manifestement absente du volet obligatoire de la formation !
La notion de
élaborée dans les années 1980 par des infirmières et des éducatrices maories, fait partie d’une analyse des inégalités structurelles et des relations de pouvoir coloniales entre les fournisseurs de soins de santé et les peuples autochtones. Elle dépasse l’optique « interculturelle » privilégiée dans la formation du ministère de la Santé.
Sans un contenu pertinent ou un cadre d’analyse adapté aux travailleurs de la santé, comment le ministère peut-il prétendre sensibiliser aux réalités autochtones du Québec contemporain ? Cette formation doit être repensée de fond en comble.
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En fin de compte, cependant, il faudra bien plus qu’une session de formation en ligne obligatoire pour éradiquer le racisme structurellement ancré dans notre système de santé. Il faut adopter une approche décolonisatrice, qui a effectivement le potentiel d’améliorer les soins de santé offerts à l’ensemble de la population québécoise. Cela commence par écouter véritablement les appels des communautés autochtones et agir en solidarité avec leurs mouvements pour l’autodétermination et l’autonomie.
Si le gouvernement de la Coalition Avenir Québec veut commencer à réparer les torts subis par les Autochtones par le colonialisme médical, il a l’obligation de respecter sa promesse d’enchâsser la sécurité culturelle dans notre législation sur la santé durant ce mandat. De plus, le principe de Joyce doit faire partie intégrante de toute réforme du système de santé. Pour des soins de santé « plus humains », on ne peut s’attendre à rien de moins.
Nazila Bettache, interniste et professeure adjointe à l’Université de Montréal. Samir Shaheen-Hussain est urgentologue pédiatrique, professeur adjoint à l’Université McGill et auteur de Se battre pour une main à tenir : Faire face au colonialisme médical contre les enfants autochtones au Canada
. Tous deux sont membres du Collectif Caring for Social Justice.
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