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Le marcheur Matthieu Beaumont

Une errance urbaine


Dans une scène d’Ulysse de James Joyce, Leopold Bloom va et vient d’une boucherie à Dublin au petit matin, son imagination vagabondant librement du local (les magasins et les pubs qu’il passe) à l’exotique (les bosquets d’eucalyptus en Turquie). De même, Mme Dalloway, dans le roman du même nom de Virginia Woolf, se promène dans St James’s Park et Piccadilly à Londres, ses pensées et ses souvenirs inspirés – et continuellement distraits – par l’agitation de la capitale.

La ville était un lieu primordial du roman moderniste des années 1920 et 1930, un environnement souvent déroutant qui, lorsqu’il était parcouru à pied, était pourtant propice à la réflexion, voire à l’introspection. Il a été laissé à un poète, TS Eliot, cependant, d’évoquer son effet aliénant sur la psyché individuelle. Dans The Waste Land, la vue de hordes de navetteurs aux heures de pointe se précipitant délibérément pour travailler sur le pont de Londres symbolise la conformité qui sape l’âme de la ville. « Tant de gens », écrit Eliot, « je n’avais pas pensé que la mort en avait défait tant. »

Pour Matthew Beaumont, les voyageurs d’Eliot, « les yeux fixés sur leurs pieds », sont aux antipodes de l’esprit moderniste, coupés des possibilités créatrices des myriades de surprises de la ville. En revanche, Mme Dalloway et Leopold Bloom sont inconsciemment attentifs à son humeur toujours changeante, qui empiète sur leur propre imagination.

S’appuyant sur de nombreuses sources littéraires, à la fois familières et obscures, Beaumont emmène le lecteur dans un voyage labyrinthique dans la littérature de la marche et de la pensée qui s’éloigne heureusement du terrain désormais battu de la psychogéographie. « Quelle est la politique de la marche dans la ville ? » demande-t-il dans son introduction à The Walker. « Quelle est sa poétique ?

Beaumont revisite le territoire de son livre précédent, Night Walking: A Nocturnal History of London, dans sa postface plus personnelle. Intitulé Walking In London and Paris at Night, il réaffirme l’autonomie du flâneur solitaire, mais est également traversé d’un sentiment d’appréhension et de malaise. Dans le quartier de Belleville à Paris, où l’embourgeoisement a assiégé une communauté ouvrière autrefois animée, à prédominance nord-africaine, il tombe sur un rassemblement nocturne d’« Africains, Arabes, Européens de l’Est, Roms » qui, s’avère, attendent l’arrivée d’une banque alimentaire mobile. Quand il s’agit, le lieu se transforme immédiatement en un marché de rue improvisé de troc et d’échange. Alors que la « classe bohème-bourgeoise » dort dans son lit, écrit Beaumont, « les pauvres et les sans-abri – ceux que les rues ont revendiqués – récupèrent les rues ». Baudelaire, le flâneur poète du Parisien dépossédé d’un autre temps, aurait sûrement approuvé.

9,29 £ (PVC 9,99 £) – Achat à la librairie Guardian

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