La revue Madness de Fergal Keane – courir vers un monde de douleur | Autobiographie et mémoire

« JECela a pris 20 ans », écrit Fergal Keane dans La folie, « Avant d’en arriver au point d’accepter, j’étais accro à la guerre. » Ce fut un constat amer pour le journaliste irlandais. Fêté pour ses décennies de reportage à la fin d’une catastrophe, Keane a bâti sa carrière sur sa capacité à absorber le pire de la nature humaine – et à continuer. Jusqu’au jour où, tourmenté par son expérience du génocide rwandais, il ne peut plus continuer. Ce livre raconte l’histoire de la façon dont Keane a commencé à démêler une vie de traumatismes, de dépendance et de peur, des traits qui ont fait de lui un alcoolique, une épave mentale – et une star.

Keane s’est fait un nom en écrivant depuis des zones de guerre lointaines : Kosovo, Irak, Ukraine. Mais en grandissant dans l’Irlande des années 1960, l’effusion de sang n’était jamais loin. La guerre d’indépendance irlandaise avait pris fin en 1921, 40 ans avant sa naissance. Enfant, il était présent partout, se souvient Keane : dans les histoires familiales et les mémoriaux publics, dans la culture, la politique – et le conflit qui couvait dans le nord. Toutes étaient des graines soigneusement plantées, pense Keane. La guerre – ou une idée romancée de celle-ci – a fait de lui ce qu’il était.

D’autres luttes aussi. Le père de Fergal était un acteur talentueux, un homme de lettres autodidacte et un alcoolique de longue date. À la recherche de son père ivre dans les pubs et les ruelles, le jeune Keane a développé un sentiment profond que quelque chose n’allait pas dans le monde et qu’il était de sa responsabilité de le réparer. Grandir dans la maison d’un alcoolique a rendu Keane anxieux, hyper-alerte et désireux de s’échapper. Cette évasion est arrivée au début des années 1980, lorsque sa carrière journalistique naissante l’a conduit de l’Irlande à l’Afrique du Sud.

L’injustice qu’il couvre en Afrique nourrit son sens de la vocation ; rapportant les violentes années crépusculaires de l’apartheid, il trouve difficile de résister à l’attraction magnétique du danger. Il découvre sa tribu : des journalistes en quête d’adrénaline comme lui. Sa consommation d’alcool, toujours un problème, s’aggrave. Cela n’empêche pas sa carrière de décoller. Peu de temps après la mort de son père en 1990, la BBC demande à Keane de devenir son correspondant en Afrique australe. Alors qu’il voyage pour prendre le travail – « l’opportunité d’une vie » – il fait une dépression nerveuse à l’aéroport. Son argent et ses billets sont volés. Il se met à pleurer de façon incontrôlable. Son vol de 11 heures se passe dans une brume d’attaques de panique. Au moment où il atteint l’Afrique, il est tellement désorienté qu’il doit être mis sous sédation, puis renvoyé chez lui, en congé de maladie, pendant des semaines.

C’est un signe avant-coureur, mais il l’ignore. Mettant tout cela derrière lui, Keane continue, s’engourdissant d’alcool et de devoirs. Cela fonctionne, ou semble fonctionner, jusqu’à ce que le travail de Keane – et sa propre psyché détraquée – l’emmène au Rwanda où se déroule le génocide. Isolé, sous la menace constante d’une attaque, entouré d’un meurtre de masse qu’il est incapable d’arrêter, Keane s’effondre à nouveau. Une dernière mission pour sauver les orphelins du génocide pousse ses nerfs – et sa foi en l’humanité – au-delà du point de rupture. Ici, comme ailleurs, La folie engage sans recourir à la sensation. Une prose fluide suit le déclin de la situation politique – et de la propre santé mentale de Keane – avec des détails effrayants et convaincants.

Il quitte le Rwanda en homme changé : « Ma vie d’adulte est divisée », écrit Keane, « entre l’avant et l’après de ce petit pays au centre de l’Afrique ». Il ne faut pas longtemps pour toucher le fond. Il boit plus que jamais, il dort à peine. Jusqu’au jour où, un jour, il demande de l’aide. Lentement, Keane change : il tente une cure de désintoxication pour alcoolisme, puis une thérapie. Il arrête de boire pour de bon.

Mais les progrès sont inégaux. Sobre, Keane continue de compartimenter, de rapporter des guerres et des atrocités « pour remettre le Rwanda dans sa juste perspective ». Il enquête sur le Kosovo après le génocide ; rapports d’Irak au milieu de l’invasion de 2003. Chaque nouvelle horreur laisse de nouvelles cicatrices. Il se rend compte, finalement, que quelque chose ne va pas à un niveau plus profond que les dommages causés par l’alcool. En 2008, après des années de cauchemars et de crises de panique, il reçoit un diagnostic qui l’a marqué toute sa vie : l’état de stress post-traumatique.

Keane fait un dernier pas vers l’inconnu : il demande un travail de bureau. Il retourne en cure de désintoxication, cette fois pour le SSPT. Il évite les emplois dangereux, reste en thérapie et énumère tout ce pour quoi il est reconnaissant chaque nuit. «Être bien demande du travail», écrit-il. La folie ne se contente pas de récits à sens unique. La guerre est horrible – et séduisante. Keane est parfois héroïque et souvent désagréable ; en colère et malhonnête même envers ceux qu’il aime le plus. Les compulsions qui rendent Keane malade – sa soif insatiable de reconnaissance, d’excitation, de but – font également de lui un succès.

A la fin pourtant La folie n’est pas sur la découverte de soi, mais sur la redécouverte du monde au-delà de la prison de la dépendance. La beauté, là où elle se trouve, est éphémère ; fleurs sur les lignes de front, amitié entre les fosses communes et Keane fait une promesse au lecteur : il va s’accrocher à ces moments. Il va retenir ce qui est bon.

  • La folie : un mémoire de guerre, de peur et de stress post-traumatique par Fergal Keane est publié par HarperCollins (£22). Pour soutenir la Gardien et Observateur commandez votre exemplaire sur guardianbookshop.com. Des frais de livraison peuvent s’appliquer

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