Publié à 8h00
Un autre monde est le cinquième long métrage que vous tournez sous la direction de Stéphane Brizé après Mademoiselle Chambon, Quelques heures de printemps, La loi du marché et En guerre. Il a fait de vous son acteur fétiche. Est-ce à dire que vous lui donnez votre accord d’emblée lorsqu’il vous propose quelque chose ?
Vincent Lindon : Dans la vie, je ne dis jamais oui tout de suite. Je ne déroge jamais à ce principe. Il m’est déjà arrivé de refuser des propositions de metteurs en scène illustres qui me proposaient des scénarios qu’on me disait d’accepter, mais que je ne sentais pas. Il se trouve que chaque fois, les histoires de Stéphane me bouleversent et elles comportent des personnages que j’ai envie d’incarner. Ce cadre dans Un autre monde doit résoudre une question fondamentale : rester ou partir. Faire ce qu’on lui demande, ou perdre son emploi parce que la tâche de réduction des effectifs qu’on exige de lui est impossible sans faire de lourds dégâts. J’aime que Stéphane n’offre pas de réponse. Il raconte une histoire de façon factuelle et laisse au spectateur le soin de faire sa propre idée, sans dire ce qui est bien ou pas bien.
La loi du marché, En guerre et Un autre monde forment une espèce de trilogie campée dans le monde du travail, dans laquelle les trois personnages que vous jouez sont placés dans une position différente : chômeur, syndicaliste, et maintenant patron. Était-ce prévu comme ça dès le départ ?
Il n’y avait même pas une volonté de thématique. Chaque film a été construit sur le précédent et cette thématique s’en est dégagée, que nous devons bien reconnaître. Avec ces trois longs métrages, Stéphane aura exploré toutes les franges de la société. Je suis passé de l’ouvrier au cadre en costume-cravate. On peut y voir un signe de richesse, mais cette cravate serre aussi le cou et peut oppresser. Il est d’ailleurs intéressant de jouer un personnage contre lequel ceux que j’ai joués dans les deux autres films s’insurgeaient. En France, l’aura de Stéphane Brizé en tant que metteur en scène est un peu celle des frères Dardenne en Belgique ou de Ken Loach en Angleterre. Il est devenu le porte-parole de la grande majorité des Français.
Avez-vous le sentiment de vivre actuellement l’une des plus belles périodes de votre vie d’acteur ?
VL : Ça ressemble à ça. Il est vrai que j’ai eu la chance de faire le Grand Chelem des festivals en jouant dans Titane [Julia Ducournau]presented at Cannes, Another worldwith which we went to Venice, State Scandal Investigation [Thierry de Peretti]launched in San Sebastián, and With love and determination [Claire Denis], presented in Berlin. But beyond the festivals, it is above all the quality of these roles, which have nothing to do with each other, that interests me. For Another world, the preparation consisted above all in mastering the language of the business world and integrating it. I believe that you can only play well what you understand very well.
Another world is also interested in the personal and family life of the character you play, in particular by evoking a difficult divorce procedure. You play these often heartbreaking scenes with Sandrine Kiberlain, an actress with whom you really shared your life for about ten years. Does this intimacy constitute an added value in your approach?
VL: It doesn’t help anything and it doesn’t prevent anything either. We are no longer there. With Sandrine, we are at the next stage, where we no longer ask questions. She plays my wife in the film, I’m her husband, we’re going to divorce, we play that. We don’t cling at all to things experienced or not experienced. Apart from Sandrine’s exceptional talent, my relationship would have been the same with another actress. It turns out that Stéphane wanted to bring us together, as he had done for Miss Chambon, only because Sandrine is for him the absolutely dream actress. There is no media calculation or people, or whatever. No way.
This videoconference interview took place during a press meeting organized on the sidelines of the Unifrance French Cinema Meetings.
Another world hits theaters October 7.