Cela s’intitule Soigner l’esprit. Mais ça aurait aussi bien pu s’appeler « guérir l’âme ». Ou plutôt « humaniser la psychiatrie ». Une pilule de moins à la fois.
Publié à 7h00
C’est surtout un film engagé, signé et produit par Catherine Mullins (Les orphelins du sida, Être Innu), en salle dès vendredi, lequel propose une incursion intimiste au cœur du vécu de personnes aux prises avec divers troubles de santé mentale (psychose, anxiété majeure, bipolarité, schizophrénie…).
Mais ce n’est pas tout.
Aux témoignages souvent bouleversants (habilement illustrés à l’écran, à coup de tempêtes, de dessins de forêts et autres gobelins) sont ici superposées diverses entrevues auprès d’experts choisis. Et pas n’importe lesquels : Martin Harrow, psychologue américain, reconnu pour ses recherches en matière de bipolarité et de schizophrénie – notamment une étude longitudinale sur les effets de la médication sur le long terme –, Robert Whitaker, journaliste scientifique, auteur de Mad in America et d’Anatomy of an Epidemic, et même Joanne Greenberg, autrice américaine à qui l’on doit Jamais je ne t’ai promis un jardin de roses.
Certes, le jupon de la réalisatrice dépasse. C’est clair. Et elle ne s’en cache pas.
Ce n’est pas du journalisme, c’est plutôt un film d’auteur. J’ai un point de vue, et les experts à qui je m’adresse ont un point de vue similaire au mien.
Catherine Mullins
Mais ce « point de vue », comme elle dit, s’inscrit aussi dans une tendance : « Il commence à y avoir une ouverture à poser des question sur la psychiatrie traditionnelle, parce que beaucoup réalisent que les résultats ne sont pas très bons… »
Il faut d’ailleurs entendre les experts à l’écran le confirmer : « on ne connaît pas les causes de la schizophrénie », ou encore « on ne comprend pas la folie ». Surtout : « étude après étude, c’est très clair : sur le long terme, l’usage de médicaments fait du tort ».
De tels constats, en plus des récits assez troublants, merci – où la maladie est racontée à coup de métaphores (« j’ouvre le robinet, et c’est du sang qui en sort » et autres voix multiples entendues ici ou là) –, pourraient laisser le spectateur sur un profond sentiment d’impuissance. De malaise. Une fois cela dit, ce lourd constat établi, on fait quoi, docteur ?
En fait, la réalisatrice et productrice (Les Productions du Lion Vert), qui a commencé la recherche pour ce film il y a des années déjà – avec la maladie de son propre fils, et son sentiment de culpabilité (« Je me sentais très coupable de ne pas avoir protégé mon fils, de lui avoir donné des médicaments qui ont potentiellement modifié son cerveau ») –, n’a pas dit son dernier mot. Elle y va d’ailleurs de quelques suggestions en matière de traitement en santé mentale.
Mentionnons ici le programme Open Dialogue, qui a fait ses preuves en Finlande, et qui commence à faire des petits ailleurs en Europe. Ici, comme son nom l’indique, le patient et la communication sont au cœur de la démarche thérapeutique. Autre voie : évidemment, la psychothérapie, en arrière-plan tout le long du film.
« Je ne suis pas contre la médication, précise Catherine Mullins, je sais que ça sauve des vies. Mais le problème, c’est qu’on en donne à long terme. Et à haute dose. Les experts le disent : il faut réduire les doses et aider les gens à reprendre leur vie en main. […] People have to be given a chance to heal themselves with psychotherapy. Certainly, we will not save everyone, she knows. “But you have to help those you can help. “ Hoping to provoke if not a discussion, at least a reflection, she concludes: “I am not anti-psychiatry or against drugs. But I think we have to change psychiatry. It needs to be improved, she says. We can do better. I am convinced of it. We must do better. »
Presented at Rendez-vous Québec Cinéma in 2021, heal the mind will hit theaters on Friday, March 11, at the Cinéma du Musée in Montreal.