From November to March, major French retailers engage in tense negotiations with agro-industrial suppliers, impacting agricultural pricing. Despite government efforts through the ‘Egalim’ laws to ensure fair compensation for farmers, many feel sidelined in discussions, leading to unsustainable incomes. European purchasing centers complicate matters, as they operate under different regulations. While the legality of these practices is affirmed, disparities remain significant, with farmers often facing pressures from larger distributors that affect their livelihoods.
Une Période de Négociations Commerciales Tendus
Chaque année, une période de tension s’installe entre novembre et mars. Pendant ces mois, les grandes chaînes de distribution alimentaire comme E.Leclerc, Carrefour, Intermarché et Coopérative U s’engagent dans des négociations cruciales avec leurs fournisseurs agro-industriels. Ces discussions englobent une variété de producteurs, allant de petits artisans à de grandes multinationales, afin de déterminer les conditions de vente de leurs produits pour l’année suivante.
Les Défis des Agriculteurs
Cependant, ces négociations sont souvent critiquées pour leur impact sur les prix versés aux producteurs agricoles. Dans le but d’améliorer la rémunération de ces agriculteurs, les gouvernements successifs, sous Emmanuel Macron, ont promulgué plusieurs lois dites ‘Egalim’, visant à réguler ces pratiques.
« Le prix que je reçois ne couvre pas mes coûts de production », déplore Sophie Lenaerts, éleveuse de vaches laitières dans l’Oise depuis trois décennies. « Aujourd’hui, les négociations se font entre nos industries agro-alimentaires et les grandes surfaces, mais le fermier n’est jamais au cœur de ces discussions. Mon acheteur me dit : tu sais, je ne peux pas te payer plus car la grande distribution me met une pression énorme », explique-t-elle. Actuellement, elle vend son lait à 50 centimes le litre à un grand groupe agro-alimentaire qui le transforme en yaourt.
Comment cela fonctionne-t-il concrètement ? En pratique, l’industriel vend ses yaourts à des centres d’achats de grandes surfaces en France, où la loi Egalim est censée garantir une rémunération équitable pour les agriculteurs. Cependant, certaines grandes chaînes françaises exigent également qu’il négocie avec des centres basés en Europe, où la loi Egalim ne s’applique pas. En conséquence, Sophie Lenaerts ne parvient à tirer qu’un salaire de 800 euros par mois.
« Aujourd’hui, le bouc émissaire, c’est bien sûr l’agriculteur. Et c’est plus compréhensible. Et je veux vous dire, pour être encore plus directe, je me fiche de ce qu’ils négocient entre eux. Mais à partir du moment où nous disparaissons un peu plus chaque jour, ce n’est pas juste », dénonce-t-elle.
La Légalité des Négociations
Comment fonctionnent ces centres d’achats européens pour les grandes surfaces ? En gros, ils opèrent selon le même principe que des poupées russes. Récemment, Casino a formé une alliance avec Auchan et Intermarché pour créer un centre d’achats français : Auta Retail. Ce dernier a intégré Everest, un important centre européen regroupant des distributeurs français, allemands et néerlandais. D’autres géants européens incluent Eureca, qui rassemble Carrefour, et Eurelec pour Leclerc.
Mais tout cela est-il légal ? Selon Philippe Goetzmann, expert en distribution, « c’est légal, et même en partie encouragé par l’Union européenne qui vise à harmoniser le marché unique et à établir des prix homogènes à l’échelle de l’UE ». Cependant, l’été dernier, la répression des fraudes en France a condamné le centre d’achats européen de Leclerc, basé à Bruxelles, à une amende de 38 millions d’euros pour ne pas avoir respecté les délais de négociation avec ses fournisseurs français. « Les menaces des autorités publiques à ce sujet ont un impact assez limité, car la plupart du temps, ces jugements sont annulés en appel par les juridictions européennes », ajoute Philippe Goetzmann.
Lors de notre enquête, Leclerc et Intermarché n’ont pas répondu. Seul le groupe Carrefour a accepté de répondre par écrit, déclarant que « rien n’empêche de prendre en compte la rémunération des producteurs français tant que les industriels sont transparents sur leurs prix d’achat. Il est crucial de maximiser nos achats pour essayer de négocier sur un pied d’égalité avec ces grandes multinationales ». En somme, Carrefour renvoie la responsabilité aux grands groupes industriels, souvent basés à l’étranger.
L’ILEC, l’organisation qui les représente en France, apporte une précision. « Ce ne sont pas les grands groupes qui négocient, du côté industriel, ce sont les filiales françaises. Prenons un exemple : un fabricant de fromage, qui peut réaliser jusqu’à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires, cela représente beaucoup, mais il fait face à une coalition de distributeurs européens qui pèse 100, 150 ou même 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Vous pouvez donc voir la relation totalement déséquilibrée », explique Nicolas Facon, président de l’ILEC.
Même Nestlé, le plus grand groupe agro-alimentaire au monde, pèse désormais moins que certains centres d’achats européens. « Certes, la distribution cherche à acheter au plus bas prix possible, mais un distributeur n’aura pas les mêmes prix en Allemagne, en France ou en Espagne », poursuit Nicolas Facon. À titre de comparaison, en France, les produits alimentaires vendus en grande surface sont encore 7,6 % plus chers que la moyenne européenne aujourd’hui.