Paris’s rent control measures, implemented five years ago, have sparked controversy. Critics argue they strain the rental market and have led to numerous legal challenges. Recently, the Conseil d’État annulled a key decree from 2019, citing unreliable calculations for rent disparities. However, experts assert that the overall legality of rent control remains intact, and its practical impact is limited. The situation continues to evolve, with both city officials and property associations awaiting further judicial evaluations.
Le dispositif de contrôle des loyers à Paris ne fait pas l’unanimité. Depuis cinq ans, la capitale, comme d’autres villes françaises, a mis en place des régulations afin de freiner l’augmentation des loyers. Cette mesure est critiquée par ses détracteurs, qui affirment qu’elle entraîne des tensions sur le marché locatif et multiplient les actions en justice depuis son introduction. Selon eux, le Conseil d’État aurait récemment tranché en leur faveur.
‘Le Conseil d’État annule’ cette ‘mesure spoliative’, s’est réjoui l’élu parisien Aurélien Véron sur X ce mardi 19 novembre. ‘Bravo au Conseil d’État pour avoir aboli le contrôle des loyers à Paris’, a célébré un internaute. ‘Info fausse’ a répliqué immédiatement Barbara Gomes, conseillère déléguée en charge du contrôle des loyers dans la capitale, sur le même réseau social. Vraie ‘gifle pour la mairie de Paris’ ou désinformation? Nous avons vérifié.
La loi n’est pas considérée comme ‘illégale’
Tout d’abord, il est inexact de prétendre que la plus haute autorité administrative a contesté la légalité de ce dispositif. En effet, il ne relève pas uniquement de la ville de Paris, mais de la loi. Le contrôle des loyers a été instauré par la loi ALUR du 24 mars 2014, et modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018. Cette loi stipule que les villes souhaitant appliquer ce dispositif peuvent définir par décret le ‘champ d’application de la collectivité demandeuse.’ Chaque année, les autorités élaborent un arrêté préfectoral déterminant les montants de référence des loyers pour chaque secteur géographique.
Cependant, selon des experts, Nicolas Damas, professeur de droit privé à la faculté de droit de Nancy, note que le décret de 2019, qui encadre ce champ d’application, a été validé dès 2022 par le même Conseil d’État. Ce dernier a rejeté toutes les demandes formulées par les associations de défense des propriétaires. Trois arrêtés ont ensuite été contestés. Deux d’entre eux ont été validés. Seul l’initial, datant de 2019, pose problème. Annulé par le tribunal administratif de Paris, ce texte a été validé par la cour administrative d’appel le 2 octobre 2023. Ce lundi, le Conseil d’État a finalement modifié la donne en annulant la décision de la cour d’appel. La procédure actuelle concerne donc uniquement cet arrêté, couvrant la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020.
Alors, que reproche le Conseil d’État à ce texte? Le mode de calcul sur lequel se basaient les disparités de loyer pour délimiter les différentes zones de la capitale n’était pas suffisamment fiable. Ainsi, la juridiction regrette que le contrôle repose sur une division administrative obsolète de la ville de Paris. Cela ne signifie pas que le Conseil d’État a annulé le dispositif, mais qu’il ‘considère que la décision de validation de l’arrêté de 2019 reposait sur des arguments peu convaincants’, résume l’avocat Nicolas Damas. ‘L’affaire est donc renvoyée au tribunal administratif d’appel.’
Une décision à portée ‘plutôt limitée’
C’est pourquoi, selon Barbara Gomes, cette décision n’a ‘aucun impact réel’. ‘À ce stade, il n’y a aucune remise en question du cadre légal du contrôle des loyers, qui dépend de l’État, donc Paris continuera d’appliquer ce que la loi permet’, nous assure-t-elle.
Cette analyse est en partie partagée par Me Patrice Spinosi. L’avocat qui a défendu les associations de propriétaires dans leur recours devant le Conseil d’État estime que cette décision pourrait effectivement constituer un ‘tournant dans le contrôle légal du dispositif de contrôle des loyers’: ‘Certes, le Conseil d’État ne remet pas en question le principe lui-même’, admet l’avocat, mais, il précise, ‘il remet en question sa méthodologie, c’est-à-dire les outils et méthodes utilisés par l’administration pour déterminer comment les différents secteurs géographiques à Paris sont constitués.’
En résumé, le Conseil d’État n’a ni aboli ni censuré le contrôle des loyers à Paris. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, la portée de cette décision est ‘plutôt limitée’, selon l’expression du professeur de la faculté de droit de Nancy. Il ne faut donc pas s’attendre à la fin de cette mesure, encore moins à une compensation pour les locataires des années passées.
Cependant, la procédure n’est pas close, comme tous nos interlocuteurs l’ont souligné. Du côté de la ville de Paris, Barbara Gomes se montre optimiste et souhaite laisser ‘les juges du tribunal administratif souverains dans leur appréciation’, tandis que du côté des associations de propriétaires, ‘le ver est dans le fruit.’ En tout état de cause, ‘il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives’, conclut Nicolas Damas.
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