Critique : « Mercury Pictures Presents », par Anthony Marra

Ce qui mine le film de Riefenstahl pour Maria, finalement, c’est sa froideur, sa capacité à construire du spectacle « sans trahir la moindre curiosité de l’être humain ». Ce qui anime le roman de Marra, à l’inverse, c’est le contraire : une curiosité presque illimitée alors qu’il sonde la vie d’une distribution expansive, non seulement celle d’Artie, de Maria et de Giuseppe, mais aussi celle d’une miniaturiste allemande nommée Anna Weber ; un acteur shakespearien du nom d’Eddie Lu, réduit à jouer des caricatures racistes ; notamment celle d’un photographe nommé Vincent Cortese, dont les racines italiennes se mêlent à celles de Maria et dont le vrai nom, en effet, peut être autre chose. Même Ned Feldman, le frère jumeau d’Artie qui le combat pour le contrôle du studio et qui est ce que ce roman a de plus proche d’un méchant (c’est la constellation hollywoodienne classique, avec un frère la force créatrice et l’autre le compteur de haricots de New York), est rendu avec un intérêt comique chaleureux, quoique doucement détaché.

Mais la nature de l’art, bien sûr, change avec le temps, tout comme la nature de la propagande. « Mercury Pictures Presents » est traversé d’artifices : des décors de studio aux allures d’Italie, des camouflages de banlieue peints sur les toits de Douglas Aircraft à Santa Monica, voire un Berlin gargantuesque reconstitué à des fins de réalisme propagandiste dans l’Utah. Cet artifice est plus qu’un simple commentaire sur Hollywood ou sur la propagande : il semble plutôt une remarque sur la nature de la réalité elle-même. L’art, ou la propagande, n’est jamais simplement une chose ou l’autre : chacun pourrait emprunter contre les persuasions de l’autre, ou pourrait devoir se confondre un peu pour exister. Les compromis et les contradictions de l’art, suggère Marra, sont précisément ceux de la nature humaine. Le succès de « Mercury Pictures Presents », à la fois le roman et l’entité hollywoodienne qu’il dépeint, est à la fois évanescent et ambigu, durable et clair. Si Artie, le showman, et Maria, l’ancre historique et la conscience éthique du livre, survivront est une question, mais les idées posées par le roman de Marra le font assurément, et elles résonnent d’autant plus fortement à travers notre propre contemporain, douloureusement fasciste. moment.


Matthew Specktor est l’auteur, plus récemment, de « Always Crashing in the Same Car: On Art, Crisis, and Los Angeles ».


MERCURY PICTURES PRÉSENTE, de Anthony Marra | 408 pages | Hogart | 28,99 $

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