Comment les «étoiles» aident les Français à garder le ciel nocturne sombre

Il y a eu un flux constant d’inquiétudes selon lesquelles les lumières artificielles érodent régulièrement notre capacité à voir les étoiles. Et un essai récent publié dans Science décrit comment la lumière artificielle affecte le calendrier d’événements tels que le verdissement des plantes au printemps et la coloration des feuilles en automne. C’est l’une des nombreuses études récentes qui démontrent l’impact direct ou indirect de la pollution lumineuse sur les plantes et les animaux.

« Les gens prennent conscience que l’obscurité n’est pas [longer] obscurité. C’est l’un des éléments qui contribue notamment au déclin de la variété des espèces ainsi qu’au déclin de la biodiversité », explique Jacques Falcón, chercheur émérite au Centre français de la recherche scientifique (CNRS).

Désormais, grâce à un programme de volontariat en France, de plus en plus de collectivités prennent des mesures pour limiter la pollution lumineuse.

S’organiser pour l’obscurité

Malgré ce nombre croissant de preuves, l’utilisation de la lumière artificielle n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années. Une étude de 2017 montre que de 2012 à 2016, la superficie éclairée par la lumière artificielle dans le monde a augmenté de 2,2 % par an.

Si les lois françaises reconnaissent la pollution lumineuse, le niveau de sensibilisation du public à ce sujet n’est pas le même que pour la pollution de l’air ou de l’eau. Pour pallier ce problème en France, l’association ANPCEN (Association pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturne), dont Falcon est membre, a été créée pour inciter à lutter contre la pollution lumineuse en France. Tous les deux ans, l’association publie une liste des villes et villages français qui reçoivent des étoiles pour leurs efforts dans la maîtrise de la lumière artificielle.

« Nous avons lancé le label, de une à cinq étoiles, en 2009. C’était 10 ans après la création de notre association. C’est non seulement un bel exercice de valorisation pour les communes bénéficiaires mais aussi un encouragement au progrès pour les villes et villages voisins », a déclaré Anne-Marie Ducroux, présidente d’honneur de l’ANPCEN.

Une indication de la popularité croissante de cette initiative peut être mesurée par l’augmentation du nombre de communes qui ont volontairement participé au cours des 12 dernières années. Alors que la première liste publiée en 2009 ne compte que 39 communes, celle publiée cette année en compte 364.

Selon Ducroux, l’ANPCEN privilégie une approche globale de lutte contre la pollution lumineuse. « Nous traitons différents aspects liés à la biodiversité, à l’énergie, à la santé, au climat, à l’astronomie et aux dépenses publiques à la fois pour viser la cohérence des choix. Nous sensibilisons non seulement au niveau local des municipalités mais aussi au niveau national, comme le Parlement. Nous participons également à des actions de plaidoyer qui ont notamment permis d’inscrire la pollution lumineuse dans quatre lois et plusieurs règlements », explique Ducroux.

Obtenir une étoile

Les communes participantes doivent remplir un questionnaire d’une dizaine de pages portant entre autres sur la consommation d’énergie, la biodiversité, la sensibilisation citoyenne et les mesures prises pour éviter les lumières intrusives. Chaque élément du questionnaire porte un score, et la somme détermine le nombre d’étoiles attribuées.

Une commune qui a obtenu trois étoiles est Veyrac, située dans le sud de la France. Selon Franck Selleret, conseiller municipal chargé du développement durable de la commune, l’élément clé de l’initiative « village étoilé » est qu’elle vous motive à vous pencher sur certains aspects de l’administration comme la consommation d’énergie et à rectifier les problèmes que vous trouver.

« Sans aucun doute, obtenir ces étoiles donne aussi de la crédibilité lorsqu’il s’agit de demander des fonds pour le développement de la commune », dit-il. Personnellement pour Selleter, les nuits noires sont aussi l’occasion de poursuivre son intérêt pour l’astrophotographie.

Ducroux souhaite voir impliquer un nombre croissant de communes et d’acteurs privés, car toutes les sources lumineuses contribuent à la pollution lumineuse.

Falcón dit que même s’il vit dans un petit village, la qualité du ciel nocturne est médiocre en raison de sa proximité avec une grande ville. « Même si les petites villes éteignent les lumières la nuit, les grandes villes libèrent une quantité si énorme qu’elle peut être vue à des kilomètres de distance », dit-il. Il dit qu’il devrait être obligatoire pour les grandes villes de mettre en œuvre des mesures contre la pollution lumineuse.

Falcón ajoute que si le problème de la pollution lumineuse n’est pas résolu, il finira par avoir un impact dramatique sur les espèces, y compris les humains.

« Une étude récente a montré que la lumière artificielle déclenche une diminution de la population d’insectes pollinisateurs nocturnes. Cela impacte directement les plantes car la pollinisation n’est pas correctement réalisée. À mesure que les espèces végétales diminuent, les insectes actifs pendant la journée qui dépendent de ces plantes diminuent également, car ils ne reçoivent pas assez de nourriture pour survivre. Il affecte les insectes la nuit, les plantes et a également un effet rebond sur les insectes pendant la journée.

Selon Falcón, la lumière artificielle a également un impact sur les mammifères. « Toutes les espèces sont liées. Lorsqu’un élément du système est touché, l’ensemble du système commence à ressentir l’effet. Ainsi, même si l’ensemble du système ne s’effondre pas totalement instantanément, des études montrent que ce sera probablement le problème à long terme. »

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