Brutal Both Sides of the Blade de Claire Denis coupe à travers les délires des adultes

Brutal Both Sides of the Blade de Claire Denis coupe à travers les délires des adultes

Photo : IFC Films

Grégoire Colin se présente tôt dans Les deux côtés de la lame. On n’aperçoit son personnage, François, que de loin. Il se tient sur le trottoir, met un casque sur la tête de sa petite amie, puis enfile le sien avant que les deux ne partent ensemble sur sa moto. Mais à la façon dont Sara (Juliette Binoche) et les cordes alarmées de la bande sonore réagissent à sa vue, on pourrait penser qu’elle vient d’avoir une vision de sa propre mort. Elle se précipite à l’intérieur du bâtiment où elle travaille comme animatrice d’émissions de radio – a-t-il choisi l’endroit exprès, sachant qu’elle passerait par là ? – et se serre dramatiquement dans l’intimité de l’ascenseur en murmurant son nom. Lorsqu’elle mentionne avoir vu l’homme à son mari Jean (Vincent Lindon), c’est avec une telle désinvolture forcée que Jean peut à peine se résoudre à jouer le jeu.

François vient bientôt appeler Jean également, en parlant de créer ensemble une nouvelle entreprise, une offre que l’ex-détenu au chômage ne peut et ne veut pas refuser. La façon dont Sara et Jean dansent autour du thème de la rentrée de François dans leur vie (« Qu’en penses-tu ? » « Qu’est-ce que tu tu penses ? ») a l’air déconcertant d’anciens toxicomanes qui s’engagent tacitement à rompre leur sobriété. François est l’ex de Sara et l’ancien partenaire commercial de Jean, et pour la première moitié de ce drame merveilleusement exaspérant de Claire Denis, il ressemble à une figure d’un pouvoir quasi démoniaque capable d’attirer deux personnes assez âgées pour mieux connaître des schémas destructeurs qu’ils pensaient avoir. s’est cassé quand il a quitté la ville il y a dix ans. Cependant, lorsque nous arrivons enfin à le voir de près, son allure méphistophélienne se dissipe instantanément. Colin est l’un des collaborateurs réguliers de Denis, et a joué l’attirant objet de désir pour elle auparavant, mais en Les deux côtés de la lameplus on le voit, plus il frôle le ridicule – pas la force irrésistible qu’il semblait être au début, mais une excuse.

Il y a quelque chose d’exquisement adulte à propos de Les deux côtés de la lame, qui se transforme en une série de combats atroces entre Jean et Sara dans lesquels ils parlent et se parlent et se blessent terriblement sans jamais dire ce qu’ils veulent vraiment dire. Ce n’est pas que les personnages se comportent avec maturité – tout sauf, vraiment, malgré les années, et l’appartement parisien chic qu’ils partagent, et leurs parcours respectifs au travail. Jean, un ancien joueur de rugby qui s’est mis mal à l’aise au travail en tant qu’agent sportif sur les fumées écrasantes de sa propre carrière d’athlète, semble en particulier jouer sans enthousiasme à être un professionnel. Quand il fulmine contre Marcus (Issa Perica), son fils Noir qui vit avec sa grand-mère (Bulle Ogier) à Vitry, crachant des réflexions incohérentes sur le racisme et sur la mobilité descendante, on se rend compte à quel point il est pauvre à vivre nos conseils. La sophistication du film vient de ses observations pointues des faiblesses de ses personnages, alors même qu’ils nient ces défauts en eux-mêmes et les appellent tout le monde autour d’eux.

Lindon, aussi bon que le chef des pompiers en deuil Titane, est un sac triste et séduisant ici, s’irritant contre le sentiment d’être un conjoint gardé et entretenant un semblant d’activité qui sert en grande partie d’excuse pour esquiver les appels de sa mère et du fils qu’il néglige. Il est tellement soulagé de travailler à nouveau qu’il remet à plus tard la définition de l’arrangement financier entre lui et François, malgré toutes les indications qu’il a de bonnes raisons de le vouloir par écrit. Binoche, quant à lui, plonge dans Sara avec un manque de dignité exaltant. Sara est tellement énervée par François qu’elle vient à une fête pour le voir et ne peut ensuite se résoudre à entrer, l’appelant à la place et le regardant par la fenêtre. Elle se comporte comme si elle et François étaient les personnages d’un roman d’EL James — « C’est reparti », se murmure-t-elle dans le miroir au milieu de la nuit, « l’amour, la peur, les nuits blanches, le téléphone à mon chevet, se mouiller »- bien que quand nous les voyons au lit ensemble, il n’est pas un lothario irrésistible, essayant le sexe anal et quand on lui refuse, assis maussadement sur les toilettes en signe de protestation.

Le mélodrame des réactions de Sara lui appartient entièrement, comme si elle et Jean avaient tout ce temps adhéré à l’idée qu’ils sont deux personnages dans un triangle amoureux qui attendent toujours une résolution. Les deux côtés de la lame commence par deux d’entre eux nageant dans l’océan pendant leurs vacances, canotant avec une intimité sans effort. Mais il y a déjà des fissures capillaires dans leur relation, visibles dans la façon dont Jean demande la carte de crédit de Sara, puis se sent émasculé et change d’avis, et dans les démentis non sollicités que Sara commence à émettre à partir du moment où elle aperçoit François dans la rue. La maison d’influence industrielle du couple semble aérée et vaste la première fois que nous la voyons, mais alors que Jean et Sara commencent à matraquer leur relation aux morceaux, Denis encadre l’espace comme s’il faisait peut-être un mètre de large. Les deux côtés de la lame n’est pas un film sur deux personnes séduites par la destruction, mais sur deux personnes qui ne peuvent s’empêcher de faire exploser les vies satisfaites qu’elles ont – les vies qu’elles insistent sont ce qu’elles ont toujours voulu, malgré les choix qu’elles font Fabriquer.

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