Les grandes lignes des interactions entre les hommes modernes et les Néandertaliens sont désormais bien établies. Les deux hommes sont entrés en contact lorsque les hommes modernes ont commencé leur grande expansion hors d’Afrique, il y a environ 60 000 ans. Les humains ont acquis de l’ADN néandertalien par croisement, tandis que la population néandertalienne, toujours assez petite, a été balayée par les vagues de nouveaux arrivants.
Mais certains aspects de cette vision d’ensemble ne concordent pas entièrement avec les données. Si elle explique bien le fait que les séquences néandertaliennes sont beaucoup plus courantes dans les populations non africaines, elle ne tient pas compte du fait que chaque population africaine que nous avons étudiée possède une partie de son ADN qui correspond à celui de Néandertal.
Une étude publiée jeudi soutient que cette correspondance est en grande partie due au fait qu’une population humaine moderne a également quitté l’Afrique et s’est croisée avec des Néandertaliens. Mais dans ce cas, le résultat a été d’introduire de l’ADN humain moderne dans la population néandertalienne. L’étude montre que cet ADN est à l’origine d’une grande partie de la diversité génétique des Néandertaliens, ce qui suggère que leur population était encore plus petite que ne le suggéraient les estimations précédentes.
Quitter l’Afrique plus tôt que prévu
Cette étude n’est pas la première à suggérer que les humains modernes et leurs gènes ont rencontré les Néandertaliens bien avant notre grande expansion hors d’Afrique. La clé pour comprendre cela est le génome d’un Néandertalien de la région de l’Altaï en Sibérie, qui date d’il y a environ 120 000 ans. C’est bien avant que les humains modernes ne s’étendent hors d’Afrique, mais son génome comporte certaines régions qui ont d’excellentes correspondances avec le génome humain mais qui sont absentes de la lignée dénisovienne.
Une explication possible est que ces segments d’ADN néandertaliens ont été récupérés plus tard par la population qui s’est répandue hors d’Afrique. Le problème avec cette hypothèse est que la plupart de ces séquences apparaissent également dans les populations africaines. Les chercheurs ont donc avancé l’idée qu’une population ancestrale d’humains modernes a quitté l’Afrique il y a environ 200 000 ans, et qu’une partie de son ADN a été conservée par les Néandertaliens sibériens. Cela concorde avec certaines découvertes de fossiles qui placent les humains anatomiquement modernes au Moyen-Orient à peu près à la même époque.
Il existe cependant une autre explication : une partie de la population qui a quitté l’Afrique il y a 60 000 ans et qui a récupéré de l’ADN néandertalien est revenue en Afrique, emportant avec elle cet ADN néandertalien. Cela a permis à une petite partie de l’ADN néandertalien de persister au sein des populations africaines.
Pour résoudre ce problème, une équipe de recherche basée à l’Université de Princeton s’est concentrée sur l’ADN néandertalien trouvé chez les Africains, profitant du fait que nous disposons désormais d’un éventail beaucoup plus large de génomes humains complets (environ 2 000).
L’étude se basait sur une hypothèse simple. Tous nos travaux sur l’ADN des Néandertaliens indiquent que leur population était relativement petite et donc moins diversifiée génétiquement que celle des humains modernes. Si tel est le cas, l’ajout d’ADN humain moderne à la population néandertalienne aurait dû accroître sa diversité génétique. Si tel est le cas, les fragments d’ADN « néandertalien » trouvés dans les populations africaines devraient alors inclure certaines des régions les plus diversifiées du génome néandertalien.