Publié en 1916, Un portrait de l’artiste en jeune homme a fait de son auteur alors âgé de trente-deux ans, James Joyce, une figure de proue du mouvement international connu sous le nom de modernisme littéraire. Le titre décrit assez précisément le sujet du livre. D’un seul niveau, Un portrait de l’artiste en jeune homme peut être lu comme ce que les Allemands appellent un Bildungsroman, ou un roman sur le passage à l’âge adulte.
Situé en Irlande à la fin du XIXe siècle, Portrait est un roman semi-autobiographique sur l’éducation d’un jeune Irlandais, Stephen Dedalus, dont les origines ont beaucoup en commun avec celles de Joyce. L’éducation de Stephen comprend non seulement sa scolarité formelle, mais également son développement moral, émotionnel et intellectuel alors qu’il observe et réagit au monde qui l’entoure. Au centre de l’histoire se trouve le rejet par Stephen de son éducation catholique romaine et sa confiance croissante en tant qu’écrivain. Mais l’importance du livre ne réside pas seulement dans le portrait d’un jeune homme sensible et complexe ou dans l’utilisation de détails autobiographiques. Plus encore, Portrait est la tentative délibérée de Joyce de créer un nouveau type de roman qui ne s’appuie pas sur les techniques narratives conventionnelles.
Plutôt que de raconter une histoire avec une intrigue cohérente et un début, un milieu et une fin traditionnels, Joyce présente des moments décisifs sélectionnés dans la vie de son héros sans le type de matériau de transition qui a marqué la plupart des romans écrits jusqu’à cette époque. Le « portrait » du titre est en fait une série de portraits, chacun montrant Stephen à un stade de développement différent. Et, bien que cette histoire soit racontée à la troisième personne, elle est filtrée à travers la conscience de Stephen. Enfin, le livre peut être lu comme le manifeste artistique de Joyce et une déclaration d’indépendance – une indépendance par rapport à ce que Joyce considérait comme le contexte social restrictif de l’Irlande catholique et par rapport aux conventions qui régissaient auparavant le roman en tant que genre littéraire. Plus de quatre-vingts ans après sa publication, Un portrait de l’artiste en jeune homme continue d’être considéré comme un texte central du modernisme du début du XXe siècle.