Et pourtant, Fiennes fait avancer le récit à un bon rythme et sa narration devient particulièrement animée lorsqu’il décrit la véritable mouture de la neige et de la glace. Les clichés disparaissent et sont remplacés par les descriptions durement acquises de la lutte, de la persévérance et de l’initiative que seul quelqu’un qui a vécu des conditions aussi hostiles peut connaître.
J’aurais aimé que Fiennes fasse encore plus de ces comparaisons. Les exemples utilisés sont arrachés à l’ordre d’une vie à opposer son corps à ce qui semble insupportable. Par conséquent, alors que l’histoire de la vie de Shackleton se déroule de manière linéaire, il est difficile de se faire une idée du propre parcours de Fiennes. C’est peut-être un autre livre, mais l’histoire de leur vie racontée en parallèle ferait une lecture intéressante, explorant à la fois les similitudes et les différences.
En l’état actuel des choses, les comparaisons sont la contribution la plus originale de ce livre. Alors que dans certains cas, ils peuvent sembler un peu superflus – là simplement pour introduire une connexion – au mieux, ils offrent un véritable aperçu. Par exemple, Fiennes compare la perte de poids de 24 livres subie par Shackleton lors de sa tentative ratée d’atteindre le pôle Sud lors de l’expédition Nimrod avec sa propre perte de poids de 55 livres après avoir transporté des traîneaux pendant 94 jours dans l’Antarctique. Il note que le stress peut avoir été responsable de la crise cardiaque presque mortelle qu’il a subie 10 ans plus tard, et il postule si la perte de poids tout aussi extrême de Shackleton dans des conditions tout aussi extrêmes nécessitant un effort tout aussi extrême peut également avoir affecté le cœur de Shackleton.
Il y a cent ans, aux premières heures du 5 janvier 1922, alors qu’il était à bord de son navire en Géorgie du Sud, en Antarctique, Shackleton mourut, à l’âge de 47 ans, très probablement d’une crise cardiaque.
En recherchant mon propre livre récent, j’ai visité la hutte de Shackleton au cap Royds, à partir de laquelle il a fait sa tentative infructueuse d’atteindre le pôle Sud. J’étais là pour interroger la hutte, pour voir si je pouvais déduire quelque chose des hommes qui l’avaient utilisée plus d’un siècle plus tôt. Il y a quelque chose de Shackleton qui persiste encore, et cela a moins à voir avec les chaussettes jetées, les boîtes rouillées de poudre à crème anglaise et les sacs de couchage vides des rennes que le sentiment de camaraderie qui imprègne encore les quartiers d’habitation décloisonnés. Shackleton, comme le montre Fiennes, était un héros Everyman à une époque d’exploration antarctique aussi disciplinée qu’héroïque ; et, contrairement à la poudre à flan, son histoire reste aujourd’hui aussi exceptionnelle et stupéfiante.
Au final, contrairement à ses expéditions polaires, ce livre de Fiennes n’établit aucun record, qu’il soit pur ou non. Son attrait réside dans sa perspective : lire sur une superstar polaire extrême du point de vue d’une autre. Le livre n’est pas un 10 comme l’homme, mais cela n’a guère d’importance. Pour toute personne passionnée par l’exploration polaire, c’est une lecture incontournable.