Un an après l’effondrement de Signa-Gau, le milliardaire René Benko continue de mener une vie luxueuse, malgré les enquêtes sur ses finances. Une photo de lui posant avec un cerf abattu a choqué le public et entraîné des conséquences pour un homme politique associé. Les fondations liées à Benko compliquent la récupération des fonds par les créanciers, tandis que des révélations sur ses investissements immobiliers cachés exacerbent la colère des victimes de sa faillite.
Le bilan d’un an après la débâcle de Signa-Gau laisse à désirer. Alors que les enquêteurs s’enfoncent dans le labyrinthe des sociétés de Benko à la recherche de biens dissimulés, le milliardaire en faillite continue de mener une vie de luxe. Un véritable coup de poignard pour ceux qui espèrent obtenir justice.
Une image choquante de la chasse
Une photo parle d’elle-même : des hommes vêtus de tenues de chasse traditionnelles posent fièrement devant un cerf abattu. Parmi eux, le milliardaire en faillite René Benko et Georg Dornauer, chef du SPÖ tyrolien, célèbrent leur victoire. Ils ne s’attendaient pas à ce que cette image devienne la une du ‘Kronen Zeitung’ autrichien, déclenchant ainsi une onde de choc dans l’opinion publique.
Ce choix d’apparaître ainsi n’a pas été réfléchi. Dornauer en paie le prix fort. Son permis de port d’armes, retiré des années auparavant, souligne qu’il était le tireur, comme le prouve la branche de sapin sur son chapeau. Son parti lui a donc conseillé de démissionner, ce qu’il a fait. En revanche, René Benko, rayonnant, semble insensible aux conséquences de ses actes, laissant un arrière-goût amer.
Bien qu’il vive officiellement avec un minimum vital, le fait que Benko puisse se permettre un hobby coûteux tel que la chasse, un an après l’effondrement de sa société, suscite colère et incompréhension. Ce sujet fait la une non seulement des journaux autrichiens, mais aussi des publications allemandes, mettant en lumière l’absurdité de la situation.
Le domaine de chasse de 1300 hectares en Styrie occidentale, où cette image a été prise, appartient à la fondation privée Laura depuis 2020. Les enquêteurs, en proie à des difficultés pour retrouver les biens de Benko, soupçonnent que les fonds disparus et les honoraires exorbitants de ses conseillers ont été dissimulés ici pendant des années. Ce soupçon soulève des interrogations quant à sa capacité à mener une vie prospère sans craindre de perdre ce qu’il a amassé.
Les fondations : un obstacle à la justice
Les fondations Laura et Ingbe, cette dernière étant basée au Liechtenstein, constituent des barrières pour la justice et les administrateurs judiciaires. Les enquêteurs rencontrent des obstacles pour accéder à ces actifs, car, bien que Benko soit co-fondateur, il n’y joue aucun rôle actif et n’est pas bénéficiaire. Les bénéficiaires en question sont sa mère, sa femme et ses enfants. Sans un changement radical, ces sources de revenus resteront inaccessibles aux créanciers.
Cette réalité est d’autant plus douloureuse pour les victimes de la faillite de Signa, qui réclament des comptes. Pour ajouter à leur humiliation, ‘Der Standard’ a récemment publié un article sur la ‘villa Benko’, accompagnée d’une vue aérienne de cette résidence luxueuse. Malgré la situation financière désastreuse de Signa, la famille Benko réside dans un somptueux château au milieu d’un parc de 5501 hectares. Encore une fois, c’est grâce à la fondation Laura que cela est possible.
La villa familiale, acquise en 2016 par la Wiener Schlosshotel Igls Betriebs GmbH & Co KG, appartient également à la fondation Laura. Ingeborg Benko, la mère de René, est la locataire officielle. Bien qu’elle soit en faillite comme son fils, elle lui permet de vivre dans cette maison et prend en charge tous les frais. Selon ‘Der Standard’, un contrat de location rétroactif garantit la légalité de cette arrangement, avec un loyer net de 238 500 euros, excluant tout usage personnel par la propriétaire.
Il est à la fois surprenant et explicable que cette ancienne éducatrice puisse se permettre un logement de luxe de près de 2,9 millions d’euros par an : en tant que bénéficiaire, Ingeborg Benko reçoit des fonds des deux fondations, qu’elle transmet en grande partie à son fils. Les révélations de la faillite personnelle au printemps montrent que Benko a reçu près de 23 millions d’euros de sa mère entre 2014 et 2024. Face à l’administrateur judiciaire, il a reconnu qu’il ne pouvait subvenir à ses besoins ‘que grâce aux dons’ de sa mère.
La provocation d’un style de vie extravagant
Se mettre en avant avec un tel mode de vie est une provocation pour tous ceux qui ont subi les conséquences de la faillite de Signa et qui attendent réparation. Parmi eux se trouve Klaus-Michael Kühne, un entrepreneur logistique de Hambourg, qui a perdu près d’un demi-milliard d’euros lors de l’effondrement de Signa.
‘Nous avons presque perdu tout notre investissement’, a-t-il révélé au ‘Frankfurter Allgemeine Zeitung’. La manière dont il a été dupé par Benko demeure un mystère pour cet investisseur aguerri. Une hypothèse est que Benko aurait menti et fourni de fausses informations, ‘enroulant’ Kühne autour du doigt. Au départ, il n’a pas été perçu que les financements de Benko reposaient sur des bases fragiles.
Actuellement, il est clair que ce n’est pas uniquement l’attrait de rendements élevés qui a aveuglé les investisseurs. Benko a vraisemblablement dissimulé plusieurs éléments. D’après ‘Wirtschaftswoche’, il a acquis, via son groupe Signa, bien plus de biens immobiliers aux États-Unis que ce qui était auparavant connu. Des documents confidentiels révèlent que Signa a notamment acheté en 2020 le gratte-ciel situé au 522 de la 5th Avenue en collaboration avec la société immobilière RFR, alors que l’on pensait auparavant que RFR en était le seul propriétaire. Les associés de Signa accusent Benko de ne pas les avoir informés de ces transactions.