lundi, février 3, 2025

Titre : Les défis du reporting de durabilité : entre bonnes intentions et résultats décevants

La charge mentale, bien que souvent associée aux parents, affecte également les petites entreprises, notamment en matière de durabilité. Les entrepreneurs comme Andreas Kuster et Thomas Kopp expriment leur frustration face à la bureaucratie croissante liée aux réglementations environnementales, rendant la conformité complexe. Une étude souligne que cette paperasse nuit à la compétitivité, alors que les exigences continuent d’augmenter. Certains plaident pour un équilibre entre le reporting et l’innovation, soulignant l’importance d’une analyse réelle de l’impact écologique.

La charge mentale se réfère à tout ce qui nécessite une attention constante. Elle occupe l’esprit et augmente la liste des tâches à accomplir. Les parents, en particulier les mères, sont souvent conscients de cette pression. Qu’il s’agisse d’organiser des anniversaires ou de planifier des visites médicales, les responsabilités semblent infinies.

La charge mentale au sein des entreprises

Mais la charge mentale ne s’arrête pas aux foyers; elle touche également le monde des affaires, notamment en matière de rapports de durabilité. Les petites entreprises sont particulièrement affectées par ces exigences. Prenons par exemple la manufacture Jakob’s Basler Leckerly, qui, fondée en 1753, est l’une des plus anciennes entreprises suisses. Son propriétaire, Andreas Kuster, souligne l’importance cruciale de l’économie durable.

Cependant, Kuster se sent accablé par la bureaucratie croissante résultant des nouvelles réglementations en matière de durabilité. Pour satisfaire les demandes des clients, il doit remplir une multitude de déclarations environnementales, en plus d’autres exigences complexes de conformité. Pour certaines tâches, il consacre jusqu’à une demi-journée, voire une journée entière. « Les déclarations prennent plus de temps que prévu », admet Kuster.

Ce qui complique encore la situation, c’est l’accumulation annuelle de nouvelles réglementations. Cette charge mentale, comparable à celle des parents, devient un fardeau supplémentaire. « Cela me détourne de mes activités principales », ajoute-t-il.

Les défis des petites et moyennes entreprises

Alors que les grandes entreprises disposent de départements spécialisés pour gérer ces tâches, les petites et moyennes entreprises doivent jongler avec ces exigences, ce qui les pousse à leurs limites. Thomas Kopp, membre de la direction de l’entreprise familiale Terravera, illustre ce point en parlant de l’achat de sucre en Allemagne ou en France pour un fabricant de chocolat. La vente de ce chocolat à l’UE impose des exigences de durabilité strictes.

« Et là, ça commence », explique Kopp. En tant que fournisseur, il doit garantir le respect des normes de chaque pays de production, ce qui implique de prouver la conformité en matière de sécurité au travail, de protection de la santé, et de gestion des substances dangereuses. « Atteindre la perfection est presque impossible », déclare-t-il.

Clemens Gütermann, directeur de l’entreprise de cigares Villiger, confirme que la charge administrative est colossale. Pour évaluer l’empreinte carbone, il doit prendre en compte la consommation d’énergie, l’isolation des bâtiments, et la part d’énergie renouvelable utilisée. Pour lui, il est évident que « les lois parfois contradictoires nuisent à notre compétitivité ».

Les entreprises partagent une frustration commune face à la bureaucratie en matière de durabilité. Une étude récente d’Economiesuisse a révélé que cette bureaucratie est perçue comme un risque économique majeur. Pour 53 % des entreprises, le rapport de durabilité s’étend sur environ 30 pages, les grandes entreprises étant les plus touchées. Contrairement à l’UE, qui impose des exigences détaillées, la réglementation suisse est plus générale, mais son impact sur les PME est souvent sous-estimé.

1,5 million de pages de rapports de durabilité

Des milliers de travailleurs en Suisse sont mobilisés par ces obligations de reporting. En moyenne, le rapport de durabilité des grandes entreprises du SMI compte 108 pages, tandis que celui des petites entreprises du SPI atteint 62 pages.

« La réglementation entrave les progrès qu’elle vise à encourager », affirme Alexander Keberle, responsable de l’énergie, des infrastructures et de l’environnement chez Economiesuisse. Au lieu de se concentrer sur la paperasse, il plaide pour que les ressources soient investies dans des innovations et des projets environnementaux concrets. Ce malaise, selon lui, découle de l’incapacité de la politique à établir des mesures claires, entraînant une multiplication des obligations de reporting qui donnent l’illusion d’une action.

La Suisse est-elle donc prise au piège d’un réseau réglementaire complexe ? Michele Salvi d’Avenir Suisse avertit que « nous pourrions sombrer dans un océan de réglementations ». Il est souvent plus simple pour une entreprise de produire des rapports sur papier glacé que de s’acquitter d’une taxe sur le carbone, par exemple.

Cette situation est préoccupante, d’autant plus que les exigences pourraient encore augmenter. Les partisans de l’initiative sur la responsabilité des entreprises ont récemment relancé leurs revendications, visant à aligner la Suisse sur l’UE.

Ce mouvement coïncide avec le retour de l’UE sur certaines de ses ambitions. En mai 2024, l’UE avait annoncé une directive renforcée sur la protection de l’environnement et les droits de l’homme, mais les responsables de Bruxelles réalisent maintenant qu’ils ont peut-être trop exigé des entreprises.

Ursula von der Leyen semble envisager un assouplissement des exigences. Les efforts des entreprises en matière de reporting de durabilité pourraient être réduits de 25 %.

Un mal nécessaire ?

Cependant, toutes les critiques sur le reporting de durabilité ne sont pas unanimes. Damian Oettli du WWF Suisse souligne qu’il ne suffit pas de se concentrer sur la paperasse. Il s’agit d’une véritable analyse de l’empreinte écologique. Les entreprises doivent comprendre leur impact, établir des mesures pertinentes, et les mettre en œuvre efficacement.

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