Un nouveau tournant se dessine au Parlement européen avec une tendance accrue des chrétiens-démocrates à s’allier avec la droite. La nomination controversée de Raffaele Fitto, un membre de l’extrême droite, à un poste clé a suscité des tensions. Manfred Weber, leader du PPE, a orchestré cette stratégie, favorisant des collaborations avec des partis d’extrême droite, ce qui pourrait redéfinir les majorités parlementaires à l’approche de 2025. La viabilité de cette alliance soulève des questions sur l’avenir politique de l’UE.
Un nouveau chapitre s’ouvre au sein du Parlement européen. Depuis les récentes élections, les chrétiens-démocrates s’orientent de plus en plus vers des alliances à droite. Le leader du PPE, Manfred Weber, a œuvré sans relâche pour cette transformation. Cela marquera-t-il l’année 2025 ?
En réalité, cet événement est devenu une routine : tous les cinq ans, le Parlement européen élit une nouvelle Commission européenne, où les surprises sont rares et les majorités sont souvent prédéfinies. Une fois de plus, peu de doutes subsistaient quant aux votes qui allaient être exprimés.
Cependant, le 27 novembre à midi, un moment de tension a surgi lorsque les résultats se sont affichés sur le grand tableau noir de l’hémicycle à Strasbourg, entraînant des applaudissements hésitants. La raison ? Jamais, en trente ans d’histoire parlementaire, une Commission européenne n’avait été élue avec une majorité aussi étroite.
Les eurodéputés chevronnés ont immédiatement compris que la base sur laquelle la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, devra construire sa politique est fragile.
La nouvelle Commission européenne, dirigée par Ursula von der Leyen, est prête à entamer ses travaux dès le 1er décembre.
Une nomination contestée
Quelles en sont les raisons ? De nombreux députés de gauche modérée ont choisi de ne pas soutenir la Commission, car pour la première fois, un homme politique d’extrême droite, Raffaele Fitto des Fratelli d’Italia, a été nommé à un poste clé. Ce parti est souvent qualifié par les politologues de post-fasciste.
L’acceptation d’un portefeuille important pour l’Italie, un pays de premier plan dans l’UE, était compréhensible – Fitto est chargé des fonds régionaux s’élevant à plusieurs milliards. Toutefois, sa nomination en tant que vice-président exécutif de von der Leyen a été jugée inacceptable par même certains groupes parlementaires qui avaient soutenu la présidente de la Commission pendant cinq ans.
Prenons par exemple les sociaux-démocrates allemands, qui considèrent Fitto comme le dernier incident d’une série de provocations de la part du PPE. René Repasi, chef du SPD européen au Parlement, déclare : ‘Ils s’allient de plus en plus souvent avec des partis de droite et d’extrême droite.’
Il est vrai qu’un tournant s’est produit en 2024, avec un nombre record de coopérations avec des partis d’extrême droite lors des votes, notamment sur des questions environnementales et migratoires.
La nouvelle Commission européenne se fixe comme objectif de relancer l’économie et de renforcer la sécurité en Europe.
Une stratégie soigneusement orchestrée
Manfred Weber, influent chef des chrétiens-démocrates européens, est l’architecte de cette nouvelle majorité. Ce Bavarois a longuement préparé cette stratégie. Près de deux ans auparavant, juste avant les funérailles du pape Benoît, il avait rencontré à Rome la nouvelle présidente du Conseil et leader des Fratelli d’Italia, Georgia Meloni, dans son bureau officiel.
Cette rencontre, initialement discrète en Allemagne, a suscité un scandale lorsqu’elle a été rendue publique. ‘L’Union abandonne-t-elle sa résistance à l’extrême droite ?’, s’interrogeait Der Spiegel. Même au sein de l’Union, certains ont trouvé inapproprié le rapprochement de Weber avec ces post-fascistes. Une vidéo de campagne de Weber pour Silvio Berlusconi, dont Forza Italia fait partie du PPE, avait également provoqué des remous au sein de la CSU.
Aujourd’hui, même les critiques internes de Weber reconnaissent que sa stratégie a porté ses fruits. En s’alliant avec des partenaires plus à droite, le PPE est moins contraint de faire des concessions aux Verts ou aux sociaux-démocrates.
Des modifications à la législation sur la protection des forêts ont été adoptées grâce à des votes conjoints avec l’AfD et d’autres groupes d’extrême droite. L’affaiblissement de la protection environnementale a échoué uniquement en raison de l’opposition des grands États membres. Dans un cas, les chrétiens-démocrates ont même soutenu une proposition de l’AfD sur le renforcement de la politique des réfugiés, un fait qualifié de ‘jour historique’ par le député de l’AfD, Alexander Jungbluth.
La situation économique actuelle et les résultats des élections européennes compliquent la mise en œuvre de la politique climatique de l’UE.
Un modèle pour l’Allemagne ?
Du point de vue des sciences politiques, une expérience est en cours au Parlement européen qui semblerait impossible au Bundestag : la coopération entre la CDU/CSU et l’extrême droite. Nicolai von Ondarza de la Fondation Wissenschaft und Politik (SWP) met en garde contre le risque de légitimer et de normaliser les partis d’extrême droite par cette alliance répétée.
‘Manfred Weber et le PPE jouent avec le feu au Parlement européen’, souligne-t-il. Le PPE semble préférer collaborer avec des partis d’extrême droite en matière de politique migratoire et dans certains domaines de la politique économique, plutôt que de ‘faire des compromis difficiles avec les sociaux-démocrates, les libéraux ou les Verts’.
Cela signifie que des majorités à droite du centre ne sont pas nécessairement inévitables après les élections européennes, mais se construisent. À l’approche de 2025, il sera intéressant de voir avec quelles majorités Ursula von der Leyen fera progresser ses lois et règlements, et jusqu’où elle sera prête à s’engager à droite. Ou si elle tentera de forger des alliances avec d’autres groupes parlementaires, comme les sociaux-démocrates, les libéraux et les Verts.
Ce sujet a été rapporté par MDR aktuell le 30 décembre 2024 à 09h34.