dimanche, février 2, 2025

Titre : La vulnérabilité stratégique de la Russie en Syrie : un enjeu crucial dans le désert.

Des islamistes syriens célèbrent leur victoire à Alep en humiliant le drapeau russe, révélant une faiblesse inattendue du Kremlin dans son engagement en Syrie. Face à cette situation, la Russie adopte une réaction prudente tout en renforçant ses relations diplomatiques avec l’Iran et la Turquie. Les ambitions géopolitiques de Moscou dans la région, notamment à travers ses bases militaires, sont menacées par la détérioration du contexte militaire et les défis posés par les milices islamistes.

Des hommes barbus éclatent de rire en renversant le mât sur lequel flotte un drapeau russe, le faisant virevolter au vent. Ils piétinent la tricolore avec leurs bottes, y versent de l’essence et mettent le tissu en flammes. C’est ainsi que les islamistes syriens célèbrent leur victoire à Alep, des images peu flatteuses pour la Russie qui circulent sur les réseaux sociaux, contredisant la rhétorique victorieuse habituelle de Moscou. De manière inattendue, le Kremlin se retrouve à nouveau impliqué dans la guerre en Syrie, une opération qu’il avait longtemps considérée comme réussie. La Russie est désormais contrainte de réaffirmer son soutien au dictateur syrien Bachar al-Assad pour protéger ses intérêts dans la région.

Une réaction prudente

La réponse de la Russie à ce revers est plutôt mesurée. Le Kremlin examine la situation et cherche des solutions pour stabiliser la Syrie, comme l’a déclaré le porte-parole du président Vladimir Poutine, qui peinait à trouver les mots justes. En arrière-plan, des discussions diplomatiques s’intensifient entre la Russie, l’Iran, et la Turquie. Récemment, une visite mystérieuse d’Assad à Moscou aurait eu lieu. Parallèlement, l’aviation russe a ciblé des positions à Idlib et dans les environs d’Alep, Hama et Homs, où se trouvent des insurgés du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham.

Les commentateurs militaires et les décideurs affichent une certaine inquiétude. Le commandant des troupes russes en Syrie, le général-lieutenant Sergei Kisel, a été promptement remplacé par le général-colonel Alexander Tschaiko, qui avait déjà dirigé des unités en Syrie. Malheureusement, tous deux portent la responsabilité d’échecs dans la guerre en Ukraine avant leur déploiement en Syrie. Même le canal Telegram Rybar, proche du ministère de la Défense, a vivement critiqué cette gestion des ressources humaines. Trop longtemps, la Syrie a été utilisée comme un terrain d’expérimentation pour redorer le blason des perdants de l’opération spéciale en Ukraine.

Les ambitions géopolitiques de la Russie

Le rôle de la Syrie pour la Russie a évolué, surtout après le lancement d’une grande offensive contre l’Ukraine. Les principaux objectifs de Poutine en Syrie semblaient avoir été atteints. En intervenant dans la guerre civile syrienne en septembre 2015, il visait à assurer la survie d’Assad et à éliminer les modérés et les islamistes, tout en consolidant un statu quo favorable. Parallèlement, il souhaitait établir la Russie comme une puissance d’influence au Moyen-Orient, renforçant ainsi ses relations avec l’Iran, devenu un partenaire stratégique dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Un aspect secondaire de cette intervention concernait la menace posée par les milices islamistes sur la sécurité intérieure de la Russie. En combattant ces groupes en Syrie, Moscou cherchait à diminuer les risques terroristes sur son territoire, une préoccupation qui est à nouveau d’actualité dans le cadre des débats sur la politique envers les travailleurs migrants d’Asie centrale.

La Russie a également tiré profit de son engagement en Syrie en acquérant une expérience militaire précieuse. Les officiers supérieurs ayant servi en Ukraine depuis 2022 avaient souvent déjà été déployés lors de la guerre en Syrie. Plus important encore, cette intervention a permis à la Russie d’installer des bases militaires et de participer à l’exploitation des ressources naturelles en échange de son soutien au régime syrien.

Une plateforme pour l’Afrique

La base aérienne de Hmeimim et le port militaire de Tartous sont essentiels pour les ambitions géopolitiques de la Russie au Moyen-Orient, en Méditerranée orientale et en Afrique. La proximité de Hmeimim avec les avancées islamistes et la possibilité que Tartous soit isolé du territoire contrôlé par Assad soulèvent des inquiétudes. Récemment, des informations non confirmées ont suggéré que la Russie pourrait commencer à retirer ses navires de guerre de Tartous.

Bien que des experts affirment que la Russie n’a pas significativement réduit sa présence en Syrie malgré la guerre en Ukraine, cela ne s’applique qu’aux unités régulières. En Syrie, la Russie a également expérimenté l’utilisation à grande échelle de la société militaire privée Wagner, qui faisait partie des principales forces terrestres russes dans ce conflit.

Avec l’intensification du conflit en Ukraine, les opérations de Wagner se sont d’abord orientées vers l’Europe. La dissolution du groupe paramilitaire suite à l’échec de la rébellion d’Evgueni Prigojine à l’été 2023 a entraîné la fin de sa présence en Syrie. Les éléments restants de Wagner ont été réaffectés en tant que force africaine au sein du ministère russe de la Défense. L’expansion vers l’Afrique est désormais un nouveau projet stratégique, faisant de Hmeimim un point de transit pour les opérations russes sur le continent. Perdre cette base syrienne serait un coup dur pour les ambitions géopolitiques de la Russie et nuirait à sa réputation.

Malgré tout, les options de Moscou restent limitées. Le déploiement de troupes supplémentaires en Syrie, une demande probable d’Assad, est exclu, car cela pourrait compromettre les efforts militaires en Ukraine. Le Kremlin réalise maintenant qu’il a trop négligé la Syrie, et cette inattention se retourne contre lui. En outre, la relation déjà fragile avec la Turquie, qui n’a pas entravé l’avancée des islamistes, est mise à l’épreuve.

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