mercredi, avril 2, 2025

Titre : Absence paternelle et smartphones : la série Netflix « Adolescence » explore la détresse des jeunes hommes britanniques.

Le succès de la série Netflix «Adolescence» met en lumière les difficultés des jeunes garçons en Grande-Bretagne, exposés à la violence en ligne. La série illustre les conséquences tragiques de cette exposition, tandis qu’une étude du Center for Social Justice révèle des résultats académiques préoccupants et une absence de figures paternelles. Le débat sur la crise de la masculinité s’intensifie, avec des appels à une régulation des contenus en ligne et à la nécessité de modèles masculins positifs.

Le succès retentissant de la série Netflix «Adolescence» en Grande-Bretagne est tout sauf surprenant pour Edward Davies. En effet, le directeur politique du think tank Center for Social Justice (CSJ) explique que «depuis quelque temps, il semblait qu’il y avait un malaise chez les garçons anglais, sans que l’on puisse identifier précisément le problème». Dans la série, ces inquiétudes prennent une forme tragique.

Une réalité préoccupante pour les jeunes garçons

Cette mini-série en quatre épisodes suit un adolescent de 13 ans vivant dans une petite ville, qui se retrouve exposé à des contenus virulents et misogynes en ligne, ce qui le conduit à commettre un acte tragique en tuant une camarade de classe et plongeant sa famille dans le désespoir. En seulement deux semaines après sa diffusion, «Adolescence» a été visionnée 66,3 millions de fois, établissant ainsi un nouveau record pour un lancement de production au Royaume-Uni.

Ce phénomène a suscité des discussions animées parmi chroniqueurs et podcasteurs sur la violence juvénile et l’influence des réseaux sociaux. La question centrale se pose : quel est l’état des garçons dans le pays ?

Selon Davies, cette préoccupation n’est pas nouvelle. Le CSJ, fondé par l’ancien leader du Parti conservateur Ian Duncan Smith, se penche sur les enjeux socio-politiques. À l’approche de la sortie de «Adolescence», le think tank a également publié une étude intitulée «Lost Boys», qui met en lumière les difficultés rencontrées par les garçons britanniques à travers des données concrètes.

Cette étude révèle que les garçons affichent des résultats académiques inférieurs à ceux des filles, depuis la maternelle jusqu’à l’université. Ils sont également davantage touchés par le chômage et perçoivent des salaires moins élevés que leurs homologues féminines dans leurs premiers emplois. De plus, depuis la pandémie, le nombre de jeunes hommes âgés de 16 à 24 ans ne suivant ni formation ni emploi a grimpé de 40 %, contre seulement 7 % chez les jeunes femmes. Les statistiques criminelles montrent également une sur-représentation des garçons.

«Autrefois, les garçons excellaient à l’école, mais cette tendance s’est inversée», constate Davies. Il attribue cette évolution au succès des initiatives visant à soutenir les filles dans les matières scientifiques, tout en soulevant la question de l’impact de la diminution du nombre d’enseignants masculins sur les performances des garçons.

La crise de la paternité absente

Davies attire également l’attention sur l’absence de figures paternelles dans le quotidien des jeunes : «La Grande-Bretagne est en proie à une épidémie de paternité absente.» Actuellement, 2,5 millions d’enfants britanniques, soit environ 20 %, vivent sans père à la maison. Près de la moitié d’entre eux ne cohabitent plus avec leurs deux parents à l’âge de 16 ans, un chiffre alarmant comparé aux autres pays d’Europe de l’Ouest.

Bien que Davies souligne qu’il ne prône pas une vision traditionaliste de la famille, il constate que l’absence totale de figures paternelles entraîne une accumulation de problèmes sociaux et psychologiques : «Aujourd’hui, de nombreux garçons ont plus facilement accès à un smartphone qu’à un père.»

Gareth Southgate, ancien entraîneur de l’équipe nationale anglaise de football, partage une perspective similaire. Lors de la «Richard Dimbleby Lecture», une conférence très médiatisée, il a évoqué le sentiment d’isolement des jeunes hommes, qui se tournent alors vers les jeux vidéo et la pornographie. Southgate met en garde contre l’influence de figures toxiques sur Internet, leur faisant croire que la réussite est synonyme d’argent et de domination, tandis que la force est associée à l’absence d’émotions. Il appelle à offrir des modèles masculins positifs à ces jeunes, que ce soit par le biais d’enseignants, d’entraîneurs sportifs ou de travailleurs de jeunesse.

Le débat sur l’influence de figures misogynes comme Andrew Tate, dont le procès a récemment suscité une forte émotion, reste d’actualité. Ce dernier a été accusé de viol et a été lié à des actes violents commis par un jeune Anglais, qui a écouté un podcast de Tate la veille de ses crimes.

Des solutions pour contrer la crise

Cette crise ne se limite pas à la Grande-Bretagne, mais selon Davies, le taux de jeunes hommes grandissant sans père et sans formation est particulièrement alarmant dans ce pays. Il cite la pauvreté généralisée et le manque de perspectives dans les régions post-industrielles du nord de l’Angleterre comme des raisons possibles.

Les problèmes sont plus marqués parmi les hommes blancs de la classe ouvrière et les garçons d’origine caribéenne. Les statistiques montrent que les jeunes d’ascendance africaine réussissent mieux à l’école et sont moins souvent impliqués dans des activités criminelles, ce qui peut être attribué à des structures familiales plus solides au sein de cette population.

Le débat a également atteint les sphères politiques. Le Premier ministre Keir Starmer a partagé qu’il avait regardé «Adolescence» avec ses enfants et a reconnu que «la violence des jeunes hommes, influencée par des contenus en ligne, est un problème réel». Tandis que l’opposition conservatrice appelle à interdire les téléphones dans les écoles, le gouvernement travailliste semble encore flou sur les mesures à adopter.

Davies plaide pour une régulation stricte des téléphones mobiles et des contenus accessibles aux jeunes sur Internet. «Si on remet un téléphone à un enfant de 11 ans, il a accès à des contenus inappropriés. Il est crucial de mieux protéger les adolescents, tout comme nous ne leur permettons pas d’acheter de l’alcool ou de conduire une voiture.»

De plus, selon un sondage, près de la moitié des jeunes estiment qu’il y a un besoin d’action au sein des établissements scolaires.

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