ThyssenKrupp, sous la direction de Miguel López, vise à restaurer son statut d’icône industrielle allemande tout en affrontant des défis financiers majeurs. Avec une perte de 1,5 milliard d’euros pour l’exercice 2023/24, l’entreprise prévoit des restructurations, notamment des coentreprises pour sa division Steel Europe. Des efforts sont également déployés pour la décarbonisation, mais des obstacles subsistent, notamment pour la division marine TKMS, en raison d’incertitudes politiques et de retraits d’investisseurs.
Une Vision Ambitieuse pour ThyssenKrupp
«Notre objectif est de redonner à l’entreprise le statut qu’elle a longtemps eu : une véritable icône de l’industrie allemande, un leader technologique au niveau mondial et un symbole de l’ingéniosité allemande» a déclaré Miguel López, président du conseil d’administration de ThyssenKrupp depuis juin 2023, lors de la conférence de presse annuelle. Bien que ce groupe historique, dont les origines remontent à l’industrie lourde de la Ruhr en 1811, ait exprimé de tels objectifs pendant des années, le succès a été jusqu’à présent évasif.
Des Défis Financiers Persistants
Le conglomérat d’Essen est devenu, tout comme Volkswagen, un exemple emblématique de la crise industrielle en Allemagne. ThyssenKrupp a tenté à plusieurs reprises de se restructurer, en vendant certaines de ses divisions, dont celle des ascenseurs, et en changeant fréquemment sa direction. Actuellement, il fait face à des défis structurels significatifs tels que des coûts élevés liés aux salaires, à l’énergie et aux impôts, ainsi qu’à une concurrence accrue en provenance de Chine, sans oublier les difficultés conjoncturelles dues à la transition vers des méthodes de production d’acier moins polluantes.
Au cours de l’exercice 2023/24, ThyssenKrupp a observé une demande nettement réduite dans des secteurs clés tels que l’automobile, la construction de machines et le bâtiment. Le chiffre d’affaires a chuté de 7 % pour atteindre 35 milliards d’euros, tandis que le bénéfice d’exploitation ajusté a baissé de 19 % à 567 millions d’euros.
En définitive, le groupe a enregistré une perte massive de 1,5 milliard d’euros, en grande partie en raison de fortes amortissements sur les actifs de sa filiale Steel Europe. L’année précédente, cette perte avait même atteint 2,1 milliards d’euros. Malgré ces résultats, ThyssenKrupp prévoit de maintenir un dividende de 15 centimes par action, se basant sur un flux de trésorerie libre positif.
Pour l’exercice en cours, la société espère retrouver des résultats positifs grâce à d’autres réductions de coûts. Dans le cadre de sa stratégie, 2024/25 sera décrite comme une «année décisive», selon López.
Il s’agit de deux des cinq secteurs d’activité qui doivent devenir des entreprises indépendantes : ThyssenKrupp Steel Europe (TKSE) et ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS), cette dernière étant spécialisée dans la fabrication de sous-marins et de frégates. Les autres divisions comprennent Automotive Technology, Decarbon Technologies et Material Services, qui emploient au total près de 100 000 personnes.
Pour Steel Europe, ThyssenKrupp vise à établir une coentreprise à parts égales avec le groupe EP Corporate Group, dirigé par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui a des intérêts dans le secteur de l’énergie. Cette collaboration vise à allier l’expertise matérielle de ThyssenKrupp avec celle d’une entreprise énergétique de premier plan, afin de renforcer la compétitivité de Steel.
Malgré les tensions internes, le conseil de surveillance a approuvé l’acquisition de 20 % de TKSE par EPCG, la finalisation ayant eu lieu fin juillet. L’augmentation de cette participation à 50 % dépendra de l’élaboration d’un plan d’affaires solide par la direction de la division acier.
En ce qui concerne la décarbonisation, le site de Duisburg de TKSE prévoit l’installation d’une unité de réduction directe fonctionnant successivement au gaz naturel puis à l’hydrogène vert. Cette initiative vise à remplacer les hauts fourneaux traditionnels, qui utilisent du charbon ou du coke. Des subventions allant jusqu’à 2 milliards d’euros ont été promises par l’État fédéral et le Land de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, tandis que les investissements de ThyssenKrupp sont estimés à près d’un milliard d’euros.
Cependant, le coût de cette installation pourrait dépasser les prévisions initiales, ce qui incite López à demander une action rapide du gouvernement pour établir un réseau de pipelines d’hydrogène en Europe.
La séparation de la division marine TKMS a également rencontré des obstacles. Bien que cette division ait le potentiel de croissance, l’investisseur américain Carlyle s’est retiré d’un processus d’enchères pour acquérir une participation majoritaire dans TKMS. López a exprimé ses regrets, soulignant que cette décision n’était pas fondée sur des raisons économiques, mais plutôt sur l’incertitude politique concernant une solution allemande pour l’entreprise d’armement.
ThyssenKrupp envisage désormais une solution de spin-off, permettant une séparation de TKMS par le biais de la bourse, tout en explorant également des partenariats industriels et en discutant d’une éventuelle participation minoritaire de l’État avec le gouvernement fédéral.