La hausse des rendements obligataires met Ottawa sur une voie coûteuse en matière de service de la dette
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La forte escalade des rendements obligataires mondiaux ces dernières semaines laisse entrevoir la possibilité que nous soyons au milieu d’un changement structurel vers un monde où les coûts d’emprunt sont en permanence plus élevés.
Si cela était vrai, cela représenterait un nouveau coup porté aux finances du gouvernement canadien qui ne ferait que renforcer la nécessité d’une gestion budgétaire beaucoup plus prudente de la part de l’administration du premier ministre Justin Trudeau, y compris le rétablissement d’une sorte d’ancrage budgétaire.
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Les taux d’intérêt mondiaux ont augmenté tout l’été, les rendements obligataires ayant augmenté de près d’un point de pourcentage depuis avril aux États-Unis et au Canada pour atteindre des niveaux jamais vus depuis 2007.
Même s’ils n’augmentent pas davantage à partir de maintenant, les marchés signalent que l’ère des coûts d’emprunt extrêmement bas qui prévaut depuis la Grande crise financière pourrait être terminée.
Cela pose un problème au gouvernement fédéral, dont les lourds emprunts au cours des trois dernières années reposaient sur l’idée que les taux d’intérêt resteraient à des niveaux historiquement bas.
Le budget de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, plus tôt cette année, prévoyait que les taux d’emprunt du gouvernement se situeraient entre 2,5 pour cent et 3 pour cent, selon la durée. À l’heure actuelle, les rendements obligataires varient de 3,5 pour cent sur les obligations à 30 ans à 4,8 pour cent sur les obligations à deux ans.
Si ces taux persistaient, l’impact sur la trajectoire budgétaire du pays serait significatif.
Selon l’analyse de sensibilité du ministère des Finances, une augmentation d’un point de pourcentage des taux d’intérêt ajouterait 3,8 milliards de dollars de frais la première année, le coût atteignant 10,3 milliards de dollars en cinq ans.
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L’impact net sur les résultats financiers serait inférieur à cela, dans la mesure où la hausse des frais de la dette publique est en partie compensée par des recettes supplémentaires pour l’État liées à des taux d’intérêt plus élevés.
Selon la même analyse de sensibilité, une augmentation d’un point de pourcentage des taux augmenterait le déficit de 4 milliards de dollars la première année et jusqu’à 6,9 milliards de dollars la cinquième année. Le coût total dépasserait les 25 milliards de dollars sur cinq ans, un montant non négligeable.
Cela éclipserait, par exemple, tous les gains que le gouvernement espère tirer de ses efforts tant annoncés pour trouver 15 milliards de dollars d’économies dans le cadre financier au cours des cinq prochaines années.
Le gouvernement fédéral continuera de prétendre que la trajectoire est soutenable, puisque le ratio dette/PIB sera toujours sur une trajectoire descendante, quoique plus lente.
Après tout, rien n’indique que l’accès du Canada aux marchés financiers soit limité par son plan financier, qui constitue le test ultime de la viabilité.
Toutefois, compte tenu de la hausse des taux d’intérêt, il sera de plus en plus difficile de prétendre que la trajectoire actuelle est prudente.
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La prudence est le fait d’être prudent même si le désastre n’est pas le scénario le plus probable – en partie parce que personne ne sait vraiment ce qui nous attend. Une politique prudente est le fondement d’une finance durable et c’est une barre que le gouvernement Trudeau avait déjà du mal à atteindre avant même la récente hausse des coûts d’emprunt.
Le dernier budget de Freeland, déposé en mars, a été critiqué pour ses projections de revenus trop optimistes. Il existe des doutes quant à la capacité du gouvernement à contenir les dépenses futures autant que promis face à la croissance démographique galopante. Les coûts d’emprunt plus élevés ajoutent à ces préoccupations.
« Il existe un risque de baisse de leurs projections », m’a récemment déclaré Mostafa Askari, économiste en chef à l’Institut d’études fiscales et de la démocratie de l’Université d’Ottawa, lors d’un appel téléphonique.
Le gouvernement Trudeau est sorti de sa retraite ministérielle la semaine dernière en parlant avec fermeté du fait que la responsabilité financière est le fondement de son programme.
Comme garde-fou pour la politique, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, a proposé une règle de prudence de 10 pour cent comme point d’ancrage pour le gouvernement fédéral, selon laquelle les frais de service de la dette ne dépassent pas un dixième des revenus.
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Le budget de mars prévoyait que les paiements d’intérêts resteraient inférieurs à ce seuil tout au long de l’horizon de prévision. Mais la hausse des rendements obligataires mondiaux l’a mis sur la voie d’une violation de la règle de Dodge, peut-être de façon permanente, sans ajustements budgétaires supplémentaires.
Le fait que le gouvernement signale cette violation comme une préoccupation majeure dans sa prochaine mise à jour financière montrerait grandement qu’il est prêt à appuyer ses paroles fermes par des actes.
Theo Argitis est directeur général du groupe Compass Rose
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