jeC’est un auteur audacieux qui évite les critiques potentielles de son travail avec une allusion consciente de lui-même, mais dans le nouveau roman ambitieux d’Emily St John Mandel, le personnage de l’écrivain Olive Llewellyn est confronté à un lecteur peu impressionné dans une file d’attente pour signer un livre. Son interlocuteur s’impatiente « il y avait tous ces brins, narrativement parlant, tous ces personnages, et j’avais l’impression d’attendre qu’ils se connectent, mais ils ne l’ont finalement pas fait ».
Certains peuvent être d’accord avec cela comme une description de Mer de tranquillité, mais il anticipe aussi avec élégance la censure de cette lecture stimulante. Sur sa longueur libre, le livre de St John Mandel jongle avec une variété de scénarios, vaguement liés par le personnage central du détective voyageur dans le temps Gaspery-Jacques Roberts. Il a été renvoyé d’un futur lointain pour interagir avec des personnages apparemment disparates, de la romancière du 23e siècle Olive à l’« homme de transfert » en disgrâce Edwin St Andrew, faisant son chemin incertain en 1912 au Canada. Le motif récurrent qui les unit tous est le son d’un violon entendu dans un décor peu naturel ; sa signification devient de plus en plus claire au fur et à mesure que le récit progresse.
Quiconque a lu Atlas des nuages – ou bien le roman à succès de St John Mandel Station onze – connaîtra la structure symétrique et sautillante dans le temps qu’elle adopte, mais cela reste une création farouchement originale. Certains aspects du roman sont particulièrement agréables ; le brin Olive, dans lequel sa tournée de livres est mise en péril par une pandémie mortelle, combine la satire avec une résonance contemporaine légère, et le matériel d’ouverture du Canada est si décalé que vous souhaiteriez qu’il puisse continuer plus longtemps. Mais la combinaison d’un drame de science-fiction spéculatif avec des préoccupations contemporaines est toujours présente. Le colonialisme, la misogynie et la catastrophe environnementale sont tous abordés, mais sans accent trop didactique.
A un moment, un personnage songe : « N’est-ce pas pour ça qu’on est là ? Pour laisser une marque sur le désert ? Le roman tendre et idiosyncrasique de St John Mandel marquera indéniablement sa propre empreinte dans l’imaginaire de ses lecteurs.