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Sauf si Le roman est écrit à la première personne, et le lecteur s’implique ainsi intensément dans les pensées et les sentiments de l’alter ego de l’auteur, Reta Winter. Comme Carol Shields, Reta est une écrivaine à succès. Elle a quarante-trois ans et vit près d’Orangetown, en Ontario. Bien qu’elle ne soit pas légalement mariée à son conjoint de fait, un médecin de famille nommé Tom, ils sont ensemble dans une relation monogame depuis vingt-six ans. Tom et Reta ont trois filles : Norah, Christine et Natalie. Ils profitent d’un style de vie confortable de la classe moyenne supérieure dans la belle campagne rurale au nord de Toronto.
L’histoire commence en juin 2000. Le moment choisi pour le roman est important, car il représente non seulement un nouveau siècle, mais aussi une nouvelle vie après un détour par le deuil. Sa fille aînée, Norah, a laissé derrière elle sa famille, son petit ami et ses études universitaires pour découvrir la nature de la bonté. Son voyage de découverte l’amène à renoncer à tout ce qui est sûr et ordinaire. Norah a choisi de s’asseoir jour après jour, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il fasse beau, au coin d’une rue de Toronto avec un bol à mendier sur ses genoux. Elle garde un silence complet, ne communiquant qu’avec un panneau en carton autour du cou sur lequel est écrit en lettres grasses : BONTÉ. Reta essaie désespérément de maintenir une vie ordinaire face au deuil et à la crise.
À première vue, le roman semble être le récit d’une famille canadienne ordinaire qui tente de se réconcilier avec la décision de sa fille de fuir la maison pour vivre une vie apparemment improductive et dangereuse. Reta commence l’histoire de son malheur en se demandant comment faire face au chagrin et aux pertes de la vie. Elle parle de la fragilité du bonheur, de ses qualités insaisissables et du coût émotionnel qu’implique le fait de maintenir ce bonheur vital et actuel dans une vie ordinaire. Elle conclut qu’elle doit se concentrer sur ses bénédictions, et il devient immédiatement clair que son écriture est essentielle à son sens de soi et à son sens du bonheur.
L’histoire de la famille Winters et de leur chagrin déconcerté lorsque Norah disparaît est entièrement racontée à travers le point de vue confus de Reta. Le lecteur parcourt un récit qui s’apparente davantage à un processus de flux de conscience qu’à une histoire définitive sur la famille. Reta est bien trop préoccupée par elle-même pour permettre au lecteur d’avoir une image claire des événements qui surgissent de temps à autre en relation avec la disparition de Norah. Les mots se bousculent dans son cerveau, un moment concordant, le suivant en totale contradiction. Les événements qui se produisent au cours de cette année de sa vie et ses pensées concomitantes ne parviennent souvent pas à se synchroniser dans un schéma discernable de cause à effet.
En raison de ce style de narration, le livre est une série d’événements apparemment sans rapport entre eux, qui tournent autour de la vie réelle de Reta et de sa famille, touchant de temps à autre le monde réel, mais prenant rapidement son envol alors que le dialogue intérieur de Reta vagabonde d’une pensée spéculative à une autre. Pour Reta, la réalité ne semble pas être une entité solide et réelle, mais une entité fluide et guidée par un processus. Elle tente de résoudre son chagrin en se livrant à un dialogue ouvert avec elle-même, à la fois complexe et ambigu. Des impulsions divergentes remontent constamment à la surface. Psychologiquement isolée de Tom, de ses filles, de sa belle-mère et de ses amis, elle tente de trouver son chemin à travers un monde chaotique et accablé de chagrin pour revenir à la normale.
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