Les « investissements » publics ne produiront pas de meilleurs résultats si nous ne changeons pas notre façon de penser, d’inciter et de produire de l’innovation
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Le budget fédéral de la semaine dernière pourrait être considéré comme un budget clé, du moins dans le sens de l’accent qu’il met sur la croissance économique. « Il est maintenant temps de se concentrer – avec des investissements intelligents et une clarté d’objectif – sur la croissance de l’économie », a-t-il déclaré avec audace dans l’avant-propos. À la surprise de plusieurs, les mots « productivité » et « innovation » ont même fait plusieurs fois leur apparition dans le plan budgétaire. La première étape pour résoudre tout problème est de reconnaître qu’il en existe un et, en tant que tel, le gouvernement mérite amplement de crédit.
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Là où il a déçu, c’est sur les deux mesures phares proclamées comme des solutions au problème : un fonds de croissance de 15 milliards de dollars et une Agence de l’innovation et de l’investissement encore à définir qui fournira des « conseils ». Le problème avec ces instruments et structures est qu’ils existent déjà sous diverses formes – ou ont déjà été essayés – et pour la plupart, leurs antécédents en matière de stimulation de l’innovation et de la productivité sont très discutables.
En quoi ces deux initiatives phares seront-elles différentes du Fonds stratégique pour l’innovation et du Fonds Net-Zero Accelerator qui ont été présentés dans les budgets précédents comme des fonds de croissance? Et comment accompliront-ils quelque chose de différent des multiples couches de programmes et de financement existants au Conseil national de recherches, à la Banque canadienne de l’infrastructure, à la Banque de développement du Canada, à Exportation et développement Canada, à Technologies du développement durable Canada, à l’Initiative de catalyseur du capital de risque, etc. ? L’éviction est une façon dépassée – et erronée – de penser la politique industrielle.
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Quel que soit l’instrument financier déployé, les « investissements » publics ne produiront pas de meilleurs résultats si nous ne changeons pas notre façon de penser, d’encourager et de produire l’innovation. Se contenter de l’innovation progressive et de l’adoption technologique signifie que le Canada laisse une quantité considérable de richesse économique sur la table à d’autres pays.
L’économie de l’innovation consiste à amasser et à tirer parti du capital intellectuel pour en faire des actifs commerciaux. N’adopter que la technologie signifie que nous serons toujours des rentiers. Cette idée selon laquelle le Canada excelle dans l’invention mais n’a besoin d’être renforcée qu’à l’étape de la commercialisation est fausse et erronée. Il suffit de regarder notre dossier sur la création de brevets au cours de la dernière décennie. Prenons l’exemple de l’intelligence artificielle : comment pouvons-nous être si bons en R&D et si ordinaires pour récolter les bénéfices commerciaux à grande échelle à un moment où les investissements en capital de risque (CR) au Canada ont atteint des niveaux historiques ? Comment un nouveau fonds de croissance résoudra-t-il cela ?
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La science et la technologie forment la frontière moderne de la compétitivité et nous avons besoin d’une capacité à mieux rivaliser pour les nouvelles idées et technologies. Mais le Canada a une structure organisationnelle pour la science qui ne s’est pas adaptée au 21e siècle. Notre capacité à faire de la recherche industrielle à grande échelle est presque inexistante et nos mécanismes de transfert de technologie n’ont pas suivi le rythme de l’évolution de la création de connaissances. Il y a encore une dépendance excessive à l’innovation incrémentale ou aux valeurs sûres. Demandez-vous où nous en serions sans les vaccins à ARNm ou comment nous réduirons les émissions pour atteindre nos objectifs climatiques.
Le gouvernement doit donc augmenter sa stratégie scientifique et technologique actuelle pour renforcer sa capacité à poursuivre des innovations radicales ou des technologies révolutionnaires. Un pipeline d’idées et de technologies révolutionnaires de ce type est un ingrédient crucial pour générer une propriété intellectuelle de valeur dans le pays.
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L’une des raisons pour lesquelles les Américains sont devenus dominants dans les secteurs de l’espace et de la défense est qu’ils ont organisé leur infrastructure scientifique et technologique pour connecter et optimiser leur R&D publique avec des entreprises privées. Le succès du modèle ARPA (Advanced Research Projects Agency) n’est pas fonction de la formation de capital, mais plutôt d’une conception et d’une méthode de système délibérées et intentionnelles pour une application réussie et moderne de la science et de la technologie par le biais de la politique industrielle. En matière d’innovation au Canada, nous pouvons viser à être plus que de simples preneurs : nous pouvons aussi être des créateurs.
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Pour améliorer le rendement de nos investissements commerciaux, la mise à l’échelle des entreprises canadiennes sera primordiale. Cela peut se produire avec de meilleurs leviers du côté de la demande, tels que l’utilisation des marchés publics pour créer la demande du marché et développer les petites et moyennes entreprises. Les institutions publiques-privées telles que la NASA auraient eu beaucoup moins de succès si le gouvernement américain n’avait pas utilisé les marchés publics pour développer ses technologies prometteuses et ses industries de pointe.
En mettant l’accent sur l’innovation, la propriété intellectuelle et la R&D, le budget fédéral de la semaine dernière a marqué un changement important et bienvenu dans l’orientation des politiques. Il y a beaucoup de travail à faire pour réaliser le plein potentiel économique du Canada. Pour commencer, identifions où se situent les défis et ne faisons pas la même chose. Si nous voulons innover et suivre le rythme de nos concurrents mondiaux, nous devons nous éloigner des valeurs sûres, des subventions des entreprises et des structures gouvernementales plus inefficaces.
Robert Asselin est vice-président principal des politiques au Conseil canadien des affaires et ancien conseiller en politiques de deux premiers ministres.