Richard C. Owens: Le soutien des tribunaux pour le contrôle des prix des médicaments nuira aux soins de santé

Les nouveaux règlements sont si confiscatoires qu’ils limiteront l’accès aux produits pharmaceutiques vitaux et retarderont le secteur canadien des sciences de la vie

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Qu’il s’agisse de transporter de la bière à travers les frontières provinciales, de vivre sans taxe fédérale sur le carbone ou de faire leurs propres choix en cas de pandémie, les Canadiens et leurs droits n’ont pas très bien réussi devant les tribunaux ces derniers temps. Et pas plus tard que le mois dernier, une cour d’appel du Québec a rendu une décision dans Merck et. Al. c. Procureur général du Canada qui menace à la fois nos soins de santé déjà affaiblis et notre Constitution.

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L’affaire, qui concernait la répartition constitutionnelle des pouvoirs entre Ottawa et les provinces, découlait de la nouvelle réglementation du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) fédéral, qui contrôle les prix de gros des médicaments au Canada. Les nouvelles réglementations sont si confiscatoires qu’elles limiteront l’accès aux produits pharmaceutiques vitaux et freineront le secteur des sciences de la vie du pays. Des demandeurs de l’industrie, des intervenants représentant des patients et le gouvernement du Québec ont contesté la constitutionnalité de ces nouveaux règlements et, dans le cas de l’industrie, de la loi créant et soutenant le CEPMB lui-même. Les deux semblent clairement inconstitutionnels, mais les tribunaux hésitent, peu disposés à bouleverser un statu quo politiquement confortable.

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La Cour d’appel a annulé de nombreux aspects du nouveau règlement, mais pas les dispositions de la Loi sur les brevets créant et régissant le CEPMB. En vertu de la Constitution, les prix et d’autres aspects des contrats sont des questions de compétence provinciale et la cour a déclaré sans ambiguïté que le gouvernement fédéral ne peut avoir le droit universel de réglementer les prix dans une industrie simplement parce que des brevets sont en cause — ce que, étonnamment, le procureur général du Canada a fait valoir qu’il l’a fait. Mais il a également statué que les médicaments brevetés sont différents : parce qu’ils sont liés à la santé, c’est au gouvernement fédéral de contrôler leurs prix. C’est tout simplement faux : les soins de santé sont une responsabilité provinciale, et non fédérale. Comment le tribunal peut-il renverser la compétence en matière de santé pour soutenir cette ingérence fédérale? Après tout, les provinces ont les institutions et l’expertise pour évaluer les médicaments et négocier leurs prix.

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Le prétexte constitutionnel du contrôle fédéral des prix des médicaments a toujours été d’éviter l’abus de brevets. Mais l’abus de brevets sur les médicaments n’a jamais été un problème au Canada et, s’il l’était, il pourrait être contrôlé par les mêmes dispositions de la Loi sur les brevets qui limitent l’abus d’autres brevets. Il n’y a pas besoin d’un CEPMB. L’abus n’a jamais été qu’une piètre excuse pour que le fédéral s’aventure dans un domaine provincial.

Pour arriver à la conclusion que le CEPMB est constitutionnel parce que les brevets sur les médicaments sont en quelque sorte spéciaux, le tribunal remplace la preuve qui lui a été donnée par un récit simple et unilatéral de l’historique et de l’économie des brevets. Il affirme que les brevets sur les médicaments ont toujours été spéciaux – alors qu’en fait la tendance claire dans la législation et les traités a été d’étendre tous les avantages des brevets aux médicaments comme à toute autre invention. En effet, la tendance pour les médicaments a été de augmenter la protection des brevets avec des échéances allongées, des règles de protection des données et des incitations spéciales pour les maladies pédiatriques et orphelines. L’historique des brevets ne justifie pas le régime confiscatoire du CEPMB; ça le mine. Les médicaments ne sont même pas uniques en ce qui concerne la santé : de nombreuses inventions brevetées le sont également.

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Le tribunal suggère en outre que les médicaments ne font face à aucune concurrence, ce qui sera nouveau pour les participants au marché des produits pharmaceutiques.

Mais même ces graves lacunes dans le raisonnement du tribunal sont surpassées par son incapacité à établir un objectif constitutionnel légitime pour le CEPMB. Le tribunal a été saisi de preuves que les contrôles des prix réduisent la disponibilité des médicaments et des nouvelles découvertes. S’il voulait favoriser la bonne santé des Canadiens, il invaliderait le contrôle des prix des médicaments, et non le maintiendrait.

Au lieu de cela, la partie de la décision soutenant les articles du CEPMB de la Loi sur les brevets semble basée sur un biais institutionnel ou cognitif favorisant le statu quo et des affirmations sélectives et discutables pour le justifier. Ces faiblesses de raisonnement illustrent le problème avec les juges statuant en faveur de ce qu’ils croient être un résultat bénéfique plutôt que ce qui est légal. Les juges ne peuvent jamais voir toutes les ramifications de leurs décisions. Ils n’ont devant eux que des preuves limitées concernant la question juridique étroite à trancher – juste assez pour faire ce qu’ils sont censés faire : discerner et appliquer la loi. Les conséquences les plus importantes concernent les législatures.

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Les lois inconstitutionnelles causent des dommages, affectant à la fois les plaignants et l’ensemble du pays. Le gouvernement du Québec, les compagnies pharmaceutiques plaignantes et les groupes de patients qui sont intervenus méritent leurs recours. Et tous les Canadiens ont droit à une application cohérente et fondée sur des principes de notre Constitution, le fondement juridique de notre nation.

Comme le démontrent les divulgations de la Loi sur la liberté d’information mises en évidence dans l’affaire Merck, une histoire de décisions constitutionnellement laxistes en faveur du gouvernement fédéral a donné lieu à la nonchalance et même à l’insouciance lorsqu’Ottawa évalue la constitutionnalité de nouveaux programmes. Il en résulte un excès flagrant, comme dans le nouveau règlement du CEPMB, et une érosion de la crédibilité des tribunaux. Si les législateurs et les tribunaux ne prennent pas la Constitution plus au sérieux, nous deviendrons un pays remodelé non pas par la loi ou le principe, mais par un caprice judiciaire.

Richard C. Owens est Senior Munk Fellow de l’Institut Macdonald-Laurier, professeur auxiliaire à la retraite et avocat non praticien.

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