Poème de la semaine : Reflection de Peter Scupham | Poésie

Réflexion

Regardant le bleu, regardant à travers le bleu,
il regardait les flotteurs lents monter et mourir ;
les fleurs étaient bavardes en ce plein été,
leurs pourpres fluides couchés sur sa rétine
alors qu’il tordait la lumière du soleil de ses yeux,

pris une respiration régulière pour soulager la peau
savonné sur un bol de pipe en argile, regardé
un globe parfait emprisonne son reflet :
son âme charmée, parfaite dans son errance,

pour tout faire flotter : le trille des voix,
le poil bourru du chien, les branches bercées,
et toute cette courbure de l’espace et du temps
qui le retint brièvement, comme la vie le retient,
porté par l’irisation à sa disparition.

La réflexion vient de Invitation à voir de Peter Scupham (1933-2022), une collection où la perception tremble souvent au bord du liminal. Ce qui n’est pas tout à fait présent hante l’abondance physique de la longue vie, de l’art, de l’amitié et du mariage – tous célébrés mais ressentis comme évanescents dans une collection que le poète prévoyait être la dernière.

Dans ce poème aux allures de sonnet, le protagoniste, décrit à la troisième personne, revient sur un « grand été » particulier. Le rythme est convenablement tranquille. La toile de fond de la première strophe suggère un jardin, avec des fleurs aux couleurs luxuriantes – des roses ? – dans la phrase, « pourpres fluides ». Plus tard, « le trille des voix, / le pelage bourru du chien, les branches bercées » ajoutent à cette impression de contexte domestique agréablement ordinaire. Mais dès le départ, la vision est étrangère, littéralement : l’attention du protagoniste, regardant « vers » et « à travers » le ciel dans cette première ligne merveilleusement saisissante, est captée par la vue de ses flotteurs alors qu’ils « se lèvent et meurent ». La déficience visuelle qui provoque les corps flottants produit aussi, sous-entendu, une sensibilité et une rétention particulières de la lumière : l’impression de couleur et de luminosité est féroce et durable, « couchée sur sa rétine ».

Les descriptions de Scupham sont tranquillement saisissantes. Le verbe «bedded» effectue une transition nette du parterre de fleurs à l’œil. Décrire les fleurs comme « bavardes » est une façon inhabituelle de nous dire qu’elles étaient incontournables : il n’y a pas eu de libération de la couleur dans l’inconscience.

Dans la dernière ligne de la première strophe, « alors qu’il tordait la lumière du soleil de ses yeux », nous pouvons imaginer quelqu’un qui plisse les yeux alors qu’il s’adapte à un nouveau niveau de lumière plus faible, allant de l’extérieur à l’intérieur. Ou ils pourraient simplement fermer les yeux, pour mieux invoquer une vision du passé.

Le matériau de la nouvelle strophe à quatre lignes est inattendu. Bien que Reflection, considéré comme un sonnet, soit inhabituellement structuré, on a le sentiment qu’un « tournant » particulièrement dramatique s’est produit. J’imagine une scène d’enfance revisitée, le protagoniste soufflant une bulle prudente à partir d’une pipe en argile jouet dans un bol de mousse de savon.

Le globe oculaire et la bulle ont leur forme et leur « irisation » en commun. La bulle « emprisonne » aussi une image, deuxième sens du titre du poème, et l’image réfléchie est aussi « son âme charmée, parfaite dans son errance ».

Ce « flotteur » contient tout et a le pouvoir de « tout faire flotter ». Ainsi, l’idée du flotteur optique est subtilement transférée de l’œil à la bulle et à tous les phénomènes de la vie. Dans un geste audacieux et ample, Scupham rassemble « le trille des voix, le pelage bourru du chien, / les branches bercées » avec « toute cette courbure de l’espace et du temps » et le protagoniste lui-même, « porté par l’irisation jusqu’à sa disparition » . La dernière strophe boucle à la fois la boucle du poème et le prolonge dans un adieu particulièrement mesuré et gracieux.

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