Poème de la semaine : 1963 de Meg Cox | Livres

1963

La maison est à Chatou, dans la banlieue sud-ouest de Paris.
Il a de véritables rues bordées d’arbres français et des coléoptères
planant bruyamment sous un lampadaire en fer fretté.
La cuisine fait trois fois la taille de notre cuisine,
et étrangers, ornés de tableaux. Il y a trois fenêtres
tous sans meneaux mais ce ne sont pas des portes.
Il fait noir dehors et je suis seul à la maison, assis
sur la table en pin frotté avec mes pieds nus sur les robes
parce que je peins mes ongles et que je bois du vrai café.

Mon livre Bonjour Tristesse (en français) est ouvert à côté de moi.
J’ai allumé la radio dans l’espoir d’entendre le premier album des Beatles.
Il y a du Bach. Je tripote le cadran.
Après une musique plus solennelle, une annonce
Le Président Kennedy est mort.
Au-dessus de la radio se trouve une esquisse d’un moineau de Picasso sur un support rouge.
Je sais maintenant que ce n’était pas un original.
J’ai été embrassé par un Français la semaine précédente.
J’ai 19 ans et ce n’est que le début de ma vie.

Meg Cox a commencé à écrire de la poésie dans sa sixième décennie, après avoir obtenu un diplôme à l’Open University. Maintenant, elle a publié sa première collection, Un carré de soleil, et c’est un début attrayant. Des anecdotes courtes et franches alternent entre humour et tristesse, l’humour souvent mêlé d’astringence. Il y a une envie vivifiante de discuter avec les règles du comportement approprié des personnes âgées, ainsi que des poèmes qui rappellent le sentiment de délivrance de l’étouffement et de l’esprit de clocher anglais vécu par les jeunes dans les années 1960. Le poème de cette semaine est l’un de ces derniers – avec une dimension américaine supplémentaire.

Comme plusieurs des poèmes de « mémoire de jeunesse » de l’auteur, celui-ci a une mise en scène française. Cox ne nous dit pas ce qui a amené la protagoniste adolescente en banlieue parisienne : aurait-elle pu être fille au pair ? (Peut-être peu probable, étant donné son attitude détendue face à la peinture des ongles dans la cuisine). La description d’ouverture de la rue reflète un mélange de préjugés (« vraies rues françaises bordées d’arbres ») et d’observation surprise (les coléoptères « volant bruyamment sous un lampadaire en fer fretté »). Rapportant fidèlement l’inconnu, Cox construit habilement un ton naïf mais évite l’autodérision. La jeune femme est très sensible à son nouvel environnement et armée de certains accessoires de mode culturels indispensables, comme le roman de Françoise Sagan, Bonjour Tristesse. L’adulte qui se souvient de la scène ne peut résister à quelques interjections, comme la remarque sur le fait de vouloir entendre « le premier album des Beatles » – une référence à Philip Larkin Annus Mirabilis.

L’association de mots lâche du nom du groupe, The Beatles, avec les coléoptères de la scène de rue d’ouverture ajoute un petit coup agréable de redéfinition. Si vous vous posez la question, le premier album des Beatles était Please Please Me, sorti en mars 1963.

Le président américain, John F. Kennedy, est assassiné le 22 novembre de la même année. En introduisant l’annonce radio de sa mort, Cox évoque un scénario politique beaucoup plus vaste et inquiétant. Une partie de cela peut être la question de la centralité de l’Amérique dans l’expérience des années 60 commercialisées localement. Je ne sais pas qui a posé la première question « Où étiez-vous quand vous avez appris la nouvelle de l’assassinat? » ou popularisé l’idée que c’était quelque chose que « tout le monde » pourrait répondre. De toute évidence, l’événement est entré dans la conscience collective avec une intensité particulière aux États-Unis. Cox fait écho à la question en y répondant dans son poème. Son narrateur complique un peu la perspective. Elle note le croquis de Picasso d’un moineau, ajoutant, en guise d’interjection, qu’elle sait maintenant que «ce n’était pas un original» – un commentaire révélateur, peut-être, sur le consumérisme et le commercialisme qui alimentent les fantasmes glorieux de l’ère de la libération. Mais la narratrice ne s’abaisse pas aux piétés : l’avenir lui appartient toujours, et le baiser du Français est un symbole plus puissant que la mort du président.

Après coup, le poème de Meg Cox m’a amené à me demander quels poètes avaient écrit des élégies pour JFK. j’ai trouvé un de Nikki Giovanni et une chanson collaborative entre WH Auden et le compositeur russe Igor Stravinsky.

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