mercredi, novembre 13, 2024

Philip Cross : Vaincre l’inflation pour garder le pouvoir

Ramener rapidement l’inflation vers son objectif serait le meilleur moyen de restaurer la confiance du public dans les banques centrales

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De nombreux pays ont accordé à leurs banques centrales l’indépendance du contrôle opérationnel direct du gouvernement afin de les immuniser contre les considérations politiques et de contribuer à maintenir l’inflation à un bas niveau. Cependant, comme l’inflation a augmenté au cours de l’année écoulée, cette indépendance est de plus en plus remise en question. La nouvelle Première ministre britannique Liz Truss a critiqué la Banque d’Angleterre pour son excès d’impression monétaire et souhaite renforcer son mandat anti-inflationniste, car les prix devraient augmenter de 18% ou plus à moins que son gouvernement n’adopte des subventions coûteuses aux prix de l’énergie. Les oppositions officielles en Nouvelle-Zélande et au Canada, cette dernière dirigée par le nouveau chef Pierre Poilievre, ont appelé à un examen ou à un audit de leurs banques centrales. Tirer au Conseil d’administration de la Réserve fédérale américaine est un passe-temps populaire depuis des années, tant au sein du Parti républicain que parmi les démocrates tels que la sénatrice Elizabeth Warren.

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La façon dont les organisations réagissent aux défis extérieurs en dit long sur la qualité de leur gestion. Les entreprises mal gérées comme la CBC sont facilement ébranlées par des tests tels que la menace de compressions budgétaires. Les entités bien gérées avec de fortes cultures internes comme la Banque du Canada ou Statistique Canada sont résilientes; en fait, ils considèrent les crises comme des occasions de se reconstruire et de se renforcer. Statcan, où j’ai travaillé pendant des années, a été profondément ébranlé en 1986 et en 2010 par des propositions gouvernementales controversées concernant le recensement, mais est devenu plus réceptif à ses clients et avec un contrôle de qualité amélioré. En 1993, le nouveau premier ministre libéral Jean Chrétien a tenu sa promesse de mettre fin au gouverneur de la Banque du Canada, John Crow, mais en retour, la Banque a obtenu un accord sur une cible d’inflation qui a en fait renforcé son mandat.

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La Banque du Canada examine actuellement son organisation et ses méthodes en raison de l’incapacité à contenir l’inflation après 2020. Elle a franchement reconnu certaines de ses erreurs, reconnaissant avoir mal interprété les origines et la virulence de la remontée des prix. L’annonce récente de la Banque qu’elle embaucherait le prochain sous-gouverneur en dehors de ses rangs est un aveu tacite qu’elle souffre d’une « pensée de groupe ». Admettre des faux pas est difficile pour toute bureaucratie – bien que la raison soit un mystère puisque les attentes du public quant à leur performance sont souvent au plus bas et qu’ils sont bien entraînés à commettre des erreurs.

L’aveu de la Banque du Canada qu’elle a fait une gaffe dans la gestion de l’inflation n’est toutefois pas suffisant. L’un des problèmes croissants dans le secteur public canadien est le manque de responsabilité pour les erreurs, comme l’a longuement discuté Donald Savoie dans son livre de 2015, What Is Government Good At? Dire simplement désolé est ce que Savoie a appelé une «responsabilité sans conséquence», pas une véritable responsabilité. Selon les propres calculs du gouverneur Tiff Macklem, l’erreur de la Banque du Canada coûte à chaque Canadien des milliers de dollars par année en perte de pouvoir d’achat. Ainsi, tenir la Banque responsable impliquera inévitablement un examen à la fois de sa relation avec le gouvernement et de son mandat.

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De plus, la Banque du Canada a encore du chemin à faire pour être ouverte et transparente. Comme Terence Corcoran l’a récemment noté, il continue d’insister sur le fait que l’augmentation de la masse monétaire pendant la pandémie n’était pas liée à son financement des déficits publics. Pour faire valoir ce point de manière convaincante, la Banque doit expliquer quels autres facteurs ont fait grimper la masse monétaire de 33 % pendant la pandémie.

Les banques centrales n’ont jamais été complètement indépendantes. Le gouverneur de la Banque du Canada est nommé par le Cabinet fédéral et rencontre régulièrement le ministre des Finances. Le sous-ministre siège d’office au conseil d’administration de la Banque. De plus, le ministre a toujours la possibilité d’émettre une directive écrite ordonnant au gouverneur d’entreprendre une politique spécifique. La Banque du Canada négocie ses objectifs (comme la cible d’inflation de 2 %) avec le gouvernement; comme l’a écrit l’ancien gouverneur John Crow dans ses mémoires Making Money, la Banque n’est indépendante que dans sa mise en œuvre et non dans la définition de ses objectifs. L’indépendance implique principalement qu’il appartient à la Banque de décider comment atteindre les objectifs qu’elle négocie avec le gouvernement.

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Au début de 2019, j’ai averti dans cet espace que l’indépendance de la banque centrale serait probablement remise en question à mesure que l’inflation augmenterait. Les défenseurs du statu quo pour les banques centrales ont réagi, non pas en convenant que l’inflation était une préoccupation, mais en mettant en garde contre les dangers d’une moindre indépendance – alors même que l’inflation alimentait les critiques croissantes des banques centrales qui pourraient éventuellement conduire à des limites à leur indépendance.

Aujourd’hui, le plus gros problème de la politique monétaire n’est pas la débauche des banques centrales, mais le manque de coordination avec la politique budgétaire. Dans de nombreux pays, les banques centrales resserrent désormais leur politique monétaire dans le but de ralentir la demande et l’inflation, alors même que les gouvernements injectent des mesures de relance budgétaire dans les économies qui souffrent déjà d’une demande excédentaire. Alors que les politiques monétaire et budgétaire tirent dans des directions différentes, l’éminent économiste Mohamed El-Erian affirme que le meilleur que l’on puisse espérer est le « moins pire » résultat. Ramener rapidement l’inflation à son objectif serait le meilleur moyen de restaurer la confiance du public dans les banques centrales et de réduire la surveillance de leurs opérations.

Poste financier

Philip Cross est chercheur principal à l’Institut Macdonald-Laurier.

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