Le danger, comme il semble le comprendre, est de viser la cohérence théorique, et non l’acceptation populaire, en réduisant les taux et en simplifiant les règles.
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Le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre a récemment déclaré que s’il était élu, il nommerait un groupe de travail pour examiner la réforme fiscale. Il a déclaré que le groupe serait composé d’« entrepreneurs, d’inventeurs, d’agriculteurs et de travailleurs » et aurait pour mandat de simplifier et de réduire les impôts. Il est à noter que Poilievre éviterait de créer un groupe de travail d’experts ou une commission royale, comme le rapport de 1966 dirigé par Kenneth Carter, pour examiner le système fiscal. La fiscalité est trop importante pour se fonder sur une expérience de pensée à la John Rawls concernant ce à quoi ressemblerait un régime fiscal idéal.
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Poilievre a le sens politique et la connaissance de l’histoire qui lui permettent d’éviter de demander l’avis des universitaires et des économistes, qui recommanderaient inévitablement de remplacer les impôts sur le revenu par des impôts sur la consommation, comme la TPS ou la taxe sur le carbone. La réforme fiscale doit être fondée sur des changements que les Canadiens sont prêts à tolérer, étant donné que des millions de ménages et d’entreprises ont établi des plans à long terme concernant leur travail et leurs investissements, façonnés par les attentes des impôts qu’ils seront contraints de payer.
Les initiatives passées de refonte du système fiscal se sont révélées désastreuses pour les gouvernements au pouvoir, surtout lorsqu’elles étaient basées principalement sur la théorie et sans consultation approfondie des contribuables. L’histoire canadienne regorge d’exemples de réformes fiscales qui échouent si elles ne bénéficient pas d’un large soutien de la part du public.
Le budget du ministre des Finances Walter Gordon pour le gouvernement Pearson nouvellement élu en 1963 était un méli-mélo de hausses d’impôts et de suppressions d’échappatoires fiscales destinées à éliminer le déficit et à décourager les investissements étrangers. (Aujourd’hui, le Canada a tellement besoin d’investissements que nous les accueillerions favorablement de la part d’extraterrestres.) Le budget de Gordon a immédiatement suscité une désapprobation ici et à l’étranger. Eric Kierans, président de la Bourse de Montréal, a écrit que « les capitales financières du monde en ont assez du Canada » en réponse à la taxe de 30 % imposée sur les prises de contrôle étrangères d’entreprises canadiennes.
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Après avoir proposé de démissionner, Gordon a été contraint de « retirer une mesure après l’autre », comme le raconte le récent livre de John Ibbitson. Le duel: Diefenbaker, Pearson et la création du Canada moderne. L’erreur fatale de Gordon fut que son budget fut « établi par des experts extérieurs plutôt que par ses propres fonctionnaires », qui à l’époque étaient sensibles aux sensibilités politiques, selon Michael Gauvreau dans La main de Dieu : Claude Ryan et le destin du libéralisme canadien, 1925-1972.
Il convient de noter qu’aucun gouvernement n’a osé mettre en œuvre les recommandations de la Commission Carter visant à éliminer de nombreuses exonérations et incitations fiscales. La tentative la plus proche fut celle du gouvernement de Pierre Trudeau en 1981, qui proposa d’éliminer de nombreux allégements fiscaux et échappatoires fiscales. Cette mesure remplissait la première moitié du mantra de l’économiste selon lequel « élargir l’assiette et abaisser le taux » en matière de réforme fiscale. Cependant, le budget n’a pas suivi la deuxième moitié en abaissant les taux, car le ministre des Finances Allan MacEachen a dû financer de nombreuses nouvelles initiatives de dépenses à partir d’autres ministères. Comme il n’y avait pas de gagnants et que de nombreux perdants étaient issus des changements fiscaux, le budget a rencontré une résistance si féroce que l’ensemble de l’opération a été retiré au bout de huit mois, ce qui en fait un budget raté au même titre que l’exercice futile de Gordon.
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Brian Mulroney a suivi les conseils des économistes en remplaçant les taxes sur le revenu par des taxes à la consommation avec l’introduction de la taxe sur les produits et services en 1991. La TPS était aussi impopulaire auprès du public qu’elle était appréciée par les économistes et elle a grandement contribué à la défaite historique des conservateurs progressistes en 1992. Stephen Harper s’est inspiré de cette expérience et a été élu en 2005 en promettant une réduction de la TPS comme l’un de ses cinq principaux programmes électoraux. Malgré cela, les économistes du ministère des Finances ont fait de leur mieux pour dissuader Harper de réduire le taux de la TPS, même si cela aurait détruit sa crédibilité et sa popularité auprès de l’électorat. Harper a été réélu en 2008 en partie grâce à son opposition à la taxe sur le carbone proposée par les libéraux.
Le gouvernement de Justin Trudeau a tenté à deux reprises de modifier la fiscalité. La première, inspirée des idées de Michael Wolfson, de l’Université d’Ottawa, visait à réformer la fiscalité des petites entreprises en 2017, notamment en limitant le recours à la « répartition » des revenus entre les membres de la famille. Cette initiative a déclenché une tempête de protestations qui a marqué le début de la fin de l’histoire d’amour entre le gouvernement Trudeau et les électeurs.
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L’épisode appuie l’affirmation de Jean Chrétien dans Mes années en tant que Premier ministre « Le problème avec les professeurs… c’est qu’ils ont tendance à placer leurs idées abstraites avant les conséquences pratiques afin de prouver une théorie ou une autre. » En 2019, Trudeau a également suivi les conseils des experts, cette fois en mettant en place une taxe sur le carbone, aujourd’hui si impopulaire qu’elle est désavouée par tous les partis politiques, y compris les partis libéraux provinciaux.
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La proposition de Poilievre d’obliger les fonctionnaires à communiquer avec le public dans un langage clair et simple laisse entrevoir qu’il accordera la priorité à la simplification de notre système fiscal. Kim Moody, ancienne présidente de la Fondation canadienne de fiscalité, a récemment admis dans ces pages que le système est si complexe qu’il « déroute même les experts ». Une approche populiste de la simplification des impôts pourrait facilement obtenir le soutien du public nécessaire à la refonte de notre système désuet.
Philip Cross est chercheur principal à l’Institut Macdonald-Laurier.
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