Le coût élevé des cigarettes (dont 70 % sont des taxes) favorise les ventes illégales. Désormais, les autorités fédérales ajoutent une taxe de « recouvrement des coûts » aux cigarettes légales
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Par Ian Irvine
Le gouvernement fédéral va bientôt mettre en place un programme de « recouvrement des coûts » pour l’industrie du tabac. Ce programme prévoit des prélèvements que les principaux producteurs légaux devront payer en fonction de leur part de marché. Et ce, malgré le fait que le secteur génère déjà environ 8 milliards de dollars en taxes annuelles, qui représentent 70 % du prix des cigarettes.
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La nouvelle taxe fera appel au sens de l’équité de nombreux électeurs : après tout, les grandes entreprises de tabac sont responsables de la maladie et de la mort de dizaines de milliers de Canadiens chaque année. Qui pourrait s’y opposer ? En fait, il existe plusieurs raisons pour lesquelles cette proposition ne sera pas retenue.
Pour commencer, notre expérience avec la première de ces taxes – dans le secteur du cannabis – ne s’est pas bien déroulée. Santé Canada rapporte que le secteur a payé 60 millions de dollars à Ottawa en frais de recouvrement des coûts en 2022-2023, le dernier exercice financier pour lequel des données sont disponibles. C’est une baisse par rapport aux 76 millions de dollars de l’année précédente. L’argent provient des frais associés à la sécurité, aux demandes de licence, à l’importation et à l’exportation de produits, ainsi que d’une taxe de 2,3 % sur les ventes qui représente 90 % des 60 millions de dollars. La chute libre du prix de la fleur de cannabis contribue à expliquer la récente baisse des revenus. Les profits du secteur sont inexistants : tous les grands producteurs déclarent des bénéfices négatifs. Le cours des actions depuis le début de la COVID-19 en 2020 a chuté d’environ 97 %. Canopy Growth Corp. se négocie actuellement à environ 6 $, en baisse par rapport à 300 $ à la fin de 2020. Le secteur paie déjà plus d’un milliard de dollars par an en taxes de vente et d’accise sur ses produits.
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Mais un gouvernement qui a besoin de revenus a besoin de revenus, et imposer un impôt qu’il nie être un impôt est une façon d’en générer.
Les produits du péché sont une cible idéale pour une taxe réglementaire. Le cannabis est psychoactif et le tabac est à la fois addictif et cancérigène. Mais pourquoi s’arrêter là ? Le secteur de l’alcool est-il le prochain sur la liste des cibles de la réglementation ? Il est lui aussi responsable de dizaines de milliers d’années de vie perdues au Canada chaque année. Le jeu ne devrait pas être loin derrière. Et que dire du secteur de l’obésité ? Starbucks vend du café en bouteille avec 10 cuillères à café de sucre par unité. Les milkshakes de McDonald’s en contiennent le double. Alors, instaurons une taxe McBucks ou « super-size me » pour accompagner la taxe sur le Club canadien, la taxe sur les micro-brasseries, la taxe sur les jeux de hasard et la taxe sur le tabac. D’ailleurs, pourquoi ne pas financer le Bureau de la concurrence en imposant une taxe sur les supermarchés ? Loblaw a récemment accepté de payer un demi-milliard de dollars pour dédommager les consommateurs de ses « prix abusifs ». Il est clair qu’il faut davantage de régulateurs, davantage de réglementation et davantage de frais réglementaires. Après tout, les emplois dans la fonction publique fédérale sous le premier ministre Justin Trudeau ont augmenté de 40 %. Quelqu’un doit payer les salaires et les avantages sociaux de ces gens.
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Le gouvernement affirme que les frais réglementaires ne seront pas imposés aux consommateurs. Mais ils augmenteront les coûts. Le cours d’économie 101, que trop de porte-parole du gouvernement n’ont manifestement pas suivi, indique que la mesure dans laquelle ces frais seront répercutés dépend du pouvoir du marché. D’un autre côté, au moins un quart de toutes les cigarettes consommées au Canada sont illégales. Et, bien sûr, le secteur illégal ne paiera rien dans le cadre du nouveau système – et ne devrait que croître davantage en raison de ce qui équivaut à une nouvelle subvention pour lui. (En grande partie à cause des taxes élevées, un tiers du secteur du cannabis est toujours illégal et ne paie ni frais ni taxes.)
La taxe proposée est purement basée sur les coûts et n’incite donc pas à un gouvernement efficace : plus l’organisme de réglementation dépense, plus la taxe imposée aux personnes réglementées est élevée. L’organisme de réglementation peut dépenser et employer sans limite, sachant que ces coûts seront couverts par les forces maléfiques du capitalisme. Pour donner un exemple : l’année dernière, Santé Canada a envoyé une délégation de 15 employés du secteur du tabac à une conférence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Panama. L’OMS est une organisation extraordinairement rétrograde dans le domaine de la politique sur le tabac et la nicotine, dans la mesure où elle condamne les produits non combustibles à faible risque. J’ai écrit à l’époque que cela équivalait à envoyer un groupe de biologistes évolutionnistes à une conférence dirigée par des créationnistes. Avec un carnet de chèques ouvert, il n’y a aucune limite aux dépenses peu efficaces.
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Mais les dépenses consacrées aux voyages organisés sont peut-être moins graves qu’une politique inefficace. Dans la gestion de la consommation de tabac, les gouvernements ne devraient pas refuser d’informer les consommateurs ni agir comme des prohibitionnistes de la nicotine. Ils devraient plutôt donner aux fumeurs les moyens de se faire entendre et de s’informer en les encourageant à se tourner vers des produits à faible risque. Une politique efficace exige un programme de renforcement du pouvoir des consommateurs, et non une nouvelle tranche de fonctionnaires.
Ian Irvine, professeur d’économie à l’Université Concordia, a travaillé comme consultant auprès du gouvernement fédéral sur les politiques en matière de tabac et d’alcool et dans le secteur privé. Certaines de ses recherches récentes ont été financées par la Fondation pour un monde sans tabac. Personne ne l’a payé pour écrire cet article.
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