vendredi, novembre 8, 2024

Opinion: Les contrôles des engrais d’Ottawa peuvent signifier «aucune analyse de rentabilisation» pour nourrir le monde

La réduction de l’utilisation des engrais risque de réduire à la fois la production alimentaire et les revenus agricoles

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Par Robert Lyman

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En décembre 2020, le gouvernement Trudeau a annoncé qu’il établirait un objectif national visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) résultant de l’épandage d’engrais de 30 % par rapport aux niveaux de 2020 d’ici 2030. D’après les données de 2019, les émissions des engrais synthétiques utilisés par les fermes représentaient environ 13 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, soit 1,7 % des émissions totales du Canada pour cette année-là. Réduire ce montant de 30 % réduirait ainsi les émissions nationales de 0,5 %. Dans le cadre de la politique climatique « nette zéro » du gouvernement, aucune source d’émissions, aussi petite soit-elle, n’est exempte de mesures visant à les réduire et finalement à les éliminer.

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L’engrais est un intrant essentiel pour la production des cultures. Réduire son utilisation risque de réduire à la fois la production alimentaire et les revenus agricoles. Les organisations agroalimentaires du Canada ont donc réagi aux plans du gouvernement en exprimant des réticences prudentes. Ils n’ont pas osé remettre en question le bien-fondé de telles réductions dans l’ensemble, mais ils ont exprimé des inquiétudes : l’absence de fondement scientifique pour l’objectif de 30 % ; l’accent mis sur une réduction absolue des émissions plutôt que sur une réduction de l’intensité des émissions ; et l’impact négatif sur la production alimentaire et les revenus agricoles. Jusqu’à présent, le gouvernement affirme que l’objectif est volontaire, mais les agriculteurs craignent que s’il n’est pas atteint, il devienne obligatoire. Et comme l’objectif du gouvernement est zéro émission de tous les secteurs, les agriculteurs doivent se demander quelles exigences seront imposées après 2030.

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La justification de l’objectif a été clairement expliquée par la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, Marie-Claude Bideau, dans les commentaires de 2021 à ses homologues européens. Elle a décrit les mesures du Canada comme étant « très étroitement alignées » sur l’objectif de réduction des engrais de l’Union européenne. De la ferme à la fourchette stratégie – dans le cadre de laquelle le gouvernement néerlandais s’est engagé à réduire de 59 % les émissions d’azote provenant de l’utilisation d’engrais via un programme de rachat d’exploitations agricoles de 7,5 milliards d’euros.

Les agriculteurs qui s’opposent à l’objectif du Canada soulignent que les conditions ici sont uniques. Pendant de nombreuses années, des groupes comme Fertilisants Canada ont promu un programme « 4R Nutrient Stewardship » qui appelle les agriculteurs à appliquer les engrais « à la bonne source, au bon taux, au bon moment et au bon endroit ». Les agriculteurs soutiennent que la pratique canadienne est déjà la « norme d’excellence » en matière de durabilité. L’efficacité de l’utilisation de l’azote, une mesure de la façon dont les cultures utilisent les apports en éléments nutritifs, se situe actuellement à 72 % au Canada, comparativement à 62 % en Europe.

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Les agriculteurs demandent pourquoi le gouvernement ne pense pas qu’ils ont déjà des incitations à utiliser les engrais de manière efficace, étant donné le doublement de leur prix au cours des deux dernières années. Ils critiquent également l’année 2020 comme référence : elle ignore les progrès réalisés grâce à d’importants investissements dans la santé des sols et l’efficacité des engrais qui ont contribué à augmenter la production agricole de 70 % depuis 2006.

La société de conseil MNP LLP a préparé un étude au nom de Fertilisants Canada de la perte potentielle pour les agriculteurs si l’objectif d’engrais était atteint en réduisant les rendements des cultures. La valeur totale de la production perdue de canola, de maïs et de blé de printemps de 2023 à 2030 serait de 40,5 milliards de dollars. En supposant que toute la production restante était vendue au Canada, d’ici 2030, les exportations canadiennes de canola passeraient de plus de 10 millions de tonnes aujourd’hui à seulement 750 000 tonnes, tandis que les exportations annuelles de blé de printemps chuteraient de 4,2 millions de tonnes et la production de maïs de 6,2 millions de tonnes. Un autre étude commandée par Fertilisants Canada a conclu que les agriculteurs pourraient réduire les niveaux d’émission d’oxyde d’azote de 14 % avec des taux d’adoption « agressifs mais réalistes » des pratiques de gestion 4R. Cependant, pour atteindre une réduction de 30 %, il faudrait une dépense de 4,6 milliards de dollars sur dix ans, un investissement que les agriculteurs ne feraient probablement pas volontairement.

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Des mesures qui pourraient réduire la capacité du Canada à fournir de la nourriture au reste du monde pourraient difficilement tomber à un pire moment. Le Canada est le plus grand producteur et exportateur de canola de la planète et son quatrième exportateur de blé. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), à la mi-2022, 345 millions de personnes dans le monde étaient en « insécurité alimentaire » (définie comme « n’ayant pas un accès fiable à une quantité suffisante d’aliments abordables et nutritifs ») tandis que plus de 900 000 luttaient pour survivre dans conditions proches de la famine. Ceci est le résultat direct de conflits comme celui en Ukraine, des perturbations post-pandémiques des chaînes d’approvisionnement et, dans certaines régions, des sécheresses.

Le premier ministre a déclaré un jour qu’il n’y avait aucune « analyse de rentabilisation » pour faciliter la construction d’infrastructures qui permettraient d’exporter du gaz naturel canadien pour répondre aux besoins de l’Europe. Quelle triste ironie ce serait si des politiques visant à résoudre un prétendu problème climatique futur réduisaient l’« analyse de rentabilisation » des efforts continus du Canada pour aider à nourrir le monde.

Robert Lyman est un économiste de l’énergie à la retraite.

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