Le Canada doit réexaminer ses politiques et réduire les désincitations à travailler
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Par Célia Pinto Moreira
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Accepteriez-vous un emploi à 4,61 $ de l’heure ? Probablement pas. Mais c’est le choix qui s’offre à beaucoup de Québécois assistés sociaux. Ils peuvent soit rester à la maison, soit travailler à temps plein, pendant toute une année, et gagner un gain net équivalent à 4,61 $ par heure travaillée. Cela est dû aux impôts, aux cotisations et aux réductions de prestations qui engloutissent une grande partie des gains associés à l’obtention d’un emploi.
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Prenons l’exemple de Gabrielle, une fictive de 28 ans. Elle vit seule, n’a pas d’enfants, détient un diplôme d’études secondaires et vit actuellement de l’aide sociale. Elle est capable de travailler. Pour les besoins de l’exercice, nous sommes en 2020, l’année la plus récente pour laquelle les données sont disponibles.
Dans l’état actuel des choses, les prestations qu’elle reçoit lui procurent un revenu de 13 005 $, auxquels s’ajoutent des programmes comme les soins dentaires et visuels et l’assurance médicaments gratuite. Elle postule pour travailler dans la vente au détail et obtient le poste. Elle travaillera à temps plein, toute l’année, et touchera un salaire brut de 25 414 $.
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De ce montant, elle doit déduire 1 958 $, soit le coût net de l’impôt sur le revenu et des autres cotisations obligatoires, comme le Régime de rentes du Québec et le Régime québécois d’assurance parentale, qui financent les congés de maternité et de paternité, moins les crédits d’impôt auxquels elle a droit. Cela lui laisse 23 456 $.
Comme elle a maintenant un emploi, son niveau de revenu est trop élevé pour continuer à recevoir ses prestations d’aide sociale. Plus particulièrement, elle perd son admissibilité à l’assurance-médicaments gouvernementale gratuite – cela lui coûtera désormais 582 $ de plus – ainsi que sa couverture pour les soins de la vue et les soins dentaires, qui lui coûteront 567 $ dans le secteur privé. Elle est partie avec 22 307 $.
L’année de travail de Gabrielle lui a donc rapporté 9 302 $ de plus que si elle était restée à la maison et avait touché l’aide sociale. En supposant qu’elle travaille 2 000 heures par an, cela représente un gain net de 4,61 $ par heure travaillée.
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Une autre façon de voir la situation de Gabrielle est que pour chaque dollar qu’elle gagnait en travaillant, le gouvernement récupérait 63,4 centimes par les impôts et cotisations payés et les prestations qui ne sont plus perçues. C’est comme si elle se trouvait dans une tranche d’imposition de 63,4 %, ce qui est en fait plus élevé que n’importe quelle tranche marginale d’imposition sur le revenu que nous avons.
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Il est facile de voir que pour ceux qui sont dans la situation de Gabrielle, sortir et trouver un emploi, seulement pour gagner 4,61 $ de plus par heure, est relativement peu attrayant. Et il y a beaucoup de gens comme elle – vivant seuls, aptes au travail, mais bénéficiant de l’aide sociale. Au Québec seulement, il y a environ 100 000et partout au Canada, près de 350 000.
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Ces personnes pourraient nous aider à combler notre pénurie de main-d’œuvre et combler certains des 246 000 postes à pourvoir au Québec, soit les près d’un million de postes vacants au Canada. Les encourager à rejoindre le marché du travail n’est pas très compliqué ; nous avons juste besoin de réexaminer nos politiques et de réduire les désincitations à travailler.
Une bonne façon d’y parvenir est de récupérer plus progressivement les prestations d’aide sociale. Présentement, un bénéficiaire de l’aide sociale au Québec peut gagner jusqu’à 200 $ par mois, après quoi chaque dollar supplémentaire gagné en travaillant entraîne la perte d’un dollar complet d’avantages sociaux. C’est un taux d’imposition de 100 % : à un certain niveau de revenu, une personne ne gagne pas plus en travaillant qu’en restant à la maison.
De l’autre côté de la rivière des Outaouais, les choses sont différentes. Au lieu de récupérer un dollar de prestations pour chaque dollar travaillé, le gouvernement de l’Ontario ne récupère que 50 centimes. En conséquence, les prestations sont perdues moins rapidement, ce qui encourage le travail et évite de créer cette situation où l’emploi n’est tout simplement pas attractif.
Pour être juste, le Québec n’est pas le seul à imposer des taux de « récupération » élevés. Les gouvernements de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba font exactement la même chose. Pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre, le Québec et ces autres provinces devraient reconnaître l’existence de ce piège de l’aide sociale et le réduire ainsi que d’autres obstacles à l’intégration au marché du travail. Cela aiderait les entreprises et nos finances publiques mais, surtout, cela aiderait une large cohorte de personnes à commencer à travailler et à améliorer leur sort.
Célia Pinto Moreira est analyste des politiques publiques à l’Institut économique de Montréal.
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