Pour sauver une poignée de caribous forestiers, Ottawa semble prêt à sacrifier les emplois et, dans certains cas, les villes natales de centaines de Québécois
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Par Gabriel Giguère
Le gouvernement fédéral envisage un décret d’urgence pour protéger le caribou forestier, ce qui coûterait cher au Québec et à ses régions rurales. Des milliers de familles qui travaillent dans le secteur forestier au Saguenay, sur la Côte-Nord et en Abitibi pourraient en subir de graves conséquences.
Malheureusement, il semblerait que les autorités fédérales accordent plus d’importance à la sauvegarde des caribous qu’à la sauvegarde des emplois humains. Le décret, qui a maintenant franchi l’étape de la consultation obligatoire mais n’a pas encore été publié, vise à protéger trois troupeaux comprenant un total de 265 caribous, soit environ 4 % de la population estimée. 6 162 caribou des bois trouvé au Québec et seulement une fraction d’un pour cent des plus de 30 000 au Canada.
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La proportion de caribous protégés par l’intervention fédérale proposée pourrait être très faible, mais l’effet du décret sur les zones rurales serait très important. Selon une analyse du ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec, la réduction requise du volume d’exploitation forestière entraînerait la perte d’emplois bien rémunérés pendant au moins 1 990 Travailleurs du Québec. À l’heure où le secteur forestier est déjà en difficulté, rien ne garantit qu’ils retrouveront du travail dans le secteur.
Plus de la moitié de ces pertes d’emplois se produiront dans la région du réservoir Pipmuacan, à la jonction des régions du Saguenay et de la Côte-Nord. Selon le ministère estimationsles pertes économiques pour l’économie locale s’élèveraient à 93,3 millions de dollars. Non loin de là, dans la région de Charlevoix, on estime que 600 travailleurs perdraient leur emploi, tout cela pour tenter de protéger une harde de 31 caribous qui vivent déjà dans des enclos clôturés de plusieurs hectares, interdits aux humains. L’Abitibi-Témiscamingue ne sera pas épargnée non plus. Bien qu’il ne reste que neuf caribous, le décret d’urgence éliminerait 340 emplois et priverait l’économie locale de 30 millions de dollars par an. Cela représente 38 emplois perdus pour chaque caribou qu’Ottawa espère aider.
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Les chiffres d’Ottawa laissent entendre que chaque caribou qu’il protège vaut en moyenne l’emploi de 20 travailleurs forestiers. Or, les travailleurs forestiers ne seront probablement pas d’accord. Au total, les mesures proposées par Ottawa réduiraient la production du secteur forestier de 178 millions de dollars et entraîneraient le chômage de plusieurs centaines de Québécois, et ce, à un moment où le secteur fait déjà face à de nombreux défis, à commencer par la hausse des tarifs américains, qui a un impact majeur.
Aux pertes d’emplois et aux dommages à l’économie régionale s’ajoute la possibilité, plus alarmante encore, de la fermeture d’usines entières. Une baisse de 20 à 30 % du volume de bois livré aux scieries pourrait faire la différence entre la rentabilité et la perte. C’est le cas de l’usine Boisaco située près de Sacré-Cœur, juste au nord de Tadoussac, à l’embouchure du Saguenay. Si l’entreprise perd trop de bois, elle pourrait devoir fermer ses portes, ce qui entraînerait des pertes. 600 ouvriers de perdre leur emploi. Les conséquences du décret pourraient donc être encore pires que prévu.
Le village de Sacré-Cœur compte sur l’usine Boisaco pour maintenir sa vitalité. Dans une ville de 1 700 âmes, la perte de 600 emplois pourrait mener à terme à l’abandon du village. Pour les résidents locaux, cela signifierait perdre la valeur de leur maison, fermer leur commerce et être obligés de déménager pour trouver de nouvelles opportunités.
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Mais les tragédies humaines ne semblent pas être prises en compte dans les calculs d’Ottawa. Tout ce qu’il voit, ce sont ces trois troupeaux de caribous et le décret qui, croit-il, les sauvera. Ce genre de réflexion bornée est typique de ce qui se passe lorsque le gouvernement fédéral tente d’intervenir dans des domaines qui ne relèvent pas de son champ d’expertise.
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Ottawa estime que le Québec n’agit pas assez vite pour protéger les caribous. Mais le Québec agit plus lentement parce que le gouvernement provincial prend le temps nécessaire pour évaluer la protection des troupeaux par rapport aux ravages que cela entraînerait dans les régions ciblées.
Trouver le bon équilibre prendra peut-être plus de temps que ne le souhaiterait Ottawa, mais cela aura au moins une chance d’atténuer les effets négatifs sur nos régions rurales.
Gabriel Giguère est analyste principal des politiques à l’Institut économique de Montréal.
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