Opinion: Le capital public n’est pas aussi bon marché qu’on le pense

Les Canadiens doivent comprendre que le capital public est tout aussi coûteux que le capital privé

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Une erreur courante dans le débat sur les politiques consiste à supposer que, comme les entreprises privées paient généralement plus pour emprunter que les entreprises du secteur public, le coût de la réalisation de toute activité sera nécessairement inférieur, toutes choses égales par ailleurs, dans le secteur public que dans le privé.

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Les gouvernements paient généralement des taux d’intérêt plus bas, mais le coût des emprunts publics ne se résume pas simplement au taux d’intérêt. Pourquoi les entreprises publiques se financent-elles à moindre coût alors même que leurs activités et leurs modes de production sont identiques à ceux d’une entreprise privée et donc exposées aux mêmes risques ? Parce que les gouvernements peuvent prélever des impôts pour rembourser leurs prêteurs si, par exemple, leurs activités ou leurs projets ne répondent pas aux attentes. Les entreprises privées ne peuvent pas faire cela, c’est pourquoi les investisseurs ou les prêteurs exigent d’eux un taux d’intérêt ou un rendement plus élevé.

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Pour les contribuables, le pouvoir du gouvernement de couvrir les difficultés financières que ses projets pourraient rencontrer a un coût très réel – la possibilité d’une augmentation des impôts ou de services publics moins nombreux ou de moindre qualité. Dans la comptabilisation des projets publics, cependant, ce coût est simplement balayé sous le tapis. Si les contribuables étaient payés de manière compétitive pour les risques qu’ils supportent, le coût global du capital serait le même dans les secteurs public et privé pour des activités et des projets similaires.

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L’idée que les gouvernements peuvent enregistrer d’énormes déficits parce que leurs coûts de financement sont inférieurs à ceux du secteur privé est également une erreur. Dans un récent article dans la revue Canadian Public Policy, je discute de plusieurs cas importants où cette erreur a été commise.

Le premier est le Fonds des générations du Québec, qui est un fonds souverain destiné à rembourser la dette de la province. La comparaison entre le coût de la dette du Québec et le rendement du fonds que la gestion de la Caisse de dépôt en produit est faussée : le coût de la dette est largement sous-évalué. De plus, lors de la création du Fonds en 2006, le budget du Québec était équilibré et les contributions au Fonds constituaient bel et bien une forme de remboursement de la dette. Mais avec les déficits importants que la province gère, de telles contributions ne font qu’augmenter la dette… pour rembourser la dette !

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Dans le cas de l’investissement de la Caisse et du gouvernement dans le projet de train léger sur rail de Montréal, présentement en construction, la Caisse recevra un rendement de huit pour cent sur son investissement avant que le gouvernement ne reçoive un rendement égal aux intérêts payés sur sa dette. Pas une, mais deux erreurs sont commises ici : le rendement de la dette est trop faible pour commencer et une partie de celle-ci peut ne rien rapporter du tout.

De même, l’approche d’Infrastructure Ontario pour évaluer le degré de risque des coûts des projets est à bien des égards fondamentalement erronée. Selon la méthodologie guide préparé pour IO par Deloitte, « Comme le taux de financement du secteur public reflète le pouvoir d’imposition pratiquement illimité de la Couronne pour rembourser ses dettes, les emprunts de la Couronne sont considérés comme sans risque. (En conséquence,) … le taux approprié à utiliser pour actualiser les coûts du projet est le taux de financement du secteur public. Même erreur, même préjudice potentiel aux citoyens-contribuables.

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Enfin, le mégaprojet hydroélectrique Site C de BC Hydro est évalué sur la base d’un coût du capital donné par les faibles taux d’intérêt payés sur le capital public levé pour lui par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Si un coût social plus réaliste du capital public était utilisé, le projet pourrait bien ne pas générer un rendement suffisant pour payer ses coûts.

J’aurais aussi pu regarder un exemple plus récent de cette erreur majeure : le calcul de la performance financière d’Investissement Québec (IQ), le puissant fonds d’investissement du gouvernement du Québec. Dans son rapport annuel 2021-2022, IQ écrit (ma traduction) : « Investissement Québec vise un seuil de rendement moyen à long terme des capitaux propres équivalent à au moins le taux d’emprunt du gouvernement du Québec… La Société a enregistré un rendement ajusté sur trois ans rendement des capitaux propres de 9,3 % pour l’exercice financier 2021-2022… Le taux d’emprunt comparable pour le gouvernement du Québec est de 1,9 % par année. Le rendement ajusté des capitaux propres des trois dernières années a dépassé l’objectif fixé de 7,4 points de pourcentage.

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L’erreur est flagrante. Si le coût réel du capital investi était utilisé, et pas seulement le taux d’intérêt payé par le gouvernement, les performances d’IQ seraient certainement bien inférieures – et les primes de performance importantes pour le personnel et les gestionnaires d’IQ seraient probablement beaucoup plus faibles.

L’aide aux entreprises, les prêts, les garanties, les subventions, etc. sont souvent justifiés par ce même argument fallacieux selon lequel le coût de leur financement est plus faible pour le public que pour le secteur privé. Le résultat est un gouffre sans fond de capitalisme de copinage.

Si nous voulons un jour contrôler les finances publiques et cesser de répartir mal les capitaux entre les secteurs public et privé, les Canadiens doivent comprendre que le capital public est tout aussi coûteux que le capital privé.

Marcel Boyer est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal.

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