Oliver Heer, naviguant en solitaire dans le Vendée Globe, fait face à un iceberg menaçant dans le Pacifique Sud. Après avoir surmonté cette épreuve, il se retrouve bloqué dans une zone de calme, luttant contre le stress et l’angoisse. Malgré des conditions difficiles et un budget limité, Heer parvient à terminer la course en 99 jours, devenant le premier Suisse alémanique à accomplir cet exploit. De retour, il doit gérer le stress post-traumatique et se concentrer sur la recherche de sponsors pour son équipe.
Début janvier, Oliver Heer se trouve sur le pont de son yacht de course, confronté à un vent glacial qui lui fouette le visage, tandis que des gouttes de neige fondue tombent. À 36 ans, Heer navigue en solitaire dans le Pacifique Sud, participant à l’éprouvant Vendée Globe, un tour du monde à la voile. Son radar, inactif depuis des semaines, se met soudain à sonner une alarme de collision. Un iceberg est en approche.
Mesurant 350 mètres de long et 150 mètres d’épaisseur, l’iceberg n’est qu’à un kilomètre de son bateau. Alors que le crépuscule s’installe, Heer commence à ressentir l’angoisse. Le courant et le vent déplacent des morceaux de glace vers lui. Pendant des heures, il endure le froid sur le pont, scrutant cette étendue d’eau infinie, ses yeux se remplissant de larmes. Chaque éclat de mousse lui semble une menace potentielle. La peur le ronge.
Une collision avec cet iceberg pourrait avoir des conséquences désastreuses. Son bateau risquerait d’être gravement endommagé, le laissant attendre des jours pour un éventuel secours, et mettant fin à son rêve de Vendée Globe. Heer confie : « Avoir croisé un iceberg a été l’un des moments les plus marquants de ma course. C’était à la fois fascinant et d’une pression immense. »
Une traversée marquée par un vent de calme
Peu après cette rencontre glaciale, la situation change radicalement. Heer se trouve bloqué dans une zone de calme du Pacifique Sud, n’ayant parcouru que la moitié de son périple. Sa vitesse chute à seulement 20 kilomètres par jour, contre 700 à 800 auparavant. « C’était l’une des expériences les plus éprouvantes. Je me suis demandé si j’allais vraiment atteindre l’arrivée. Ces pensées négatives sont difficiles à gérer », raconte Heer. Pour se distraire, il écoute des podcasts et prend contact avec sa famille, tout en comptant les rations alimentaires, craignant de devoir rationner sa nourriture.
Heer finit par surmonter ces défis, ainsi que l’épreuve de l’iceberg, et six semaines plus tard, il entre dans l’histoire en devenant le premier Suisse alémanique à finir le Vendée Globe. Parti début novembre de Les Sables-d’Olonne sur la côte atlantique française, il a fait le tour du monde en solitaire et sans escale en 99 jours, obtenant ainsi la 29e place, bien que le classement ne soit pas sa priorité.
Sensations de foule et retour à la réalité
Quelques semaines après son arrivée, Heer est accueilli par 3000 spectateurs à Les Sables-d’Olonne. « Je déborde d’énergie, je ne parviens pas à dormir plus de deux heures d’affilée », confie-t-il. La tension accumulée et les courtes périodes de sommeil, souvent inférieures à une heure et demie, commencent à peser sur lui – il n’a pas encore digéré l’expérience du Vendée Globe.
Une semaine après son retour en Suisse, Heer assiste à un match de hockey sur glace des Rapperswil-Jona Lakers. Après avoir passé des semaines en mer, être entouré de gens lui semble accablant. « La foule, le bruit, les odeurs, c’était trop pour moi », se souvient-il. Pour faire face à ces ressentis, il évoque ses expériences avec son psychologue du sport, qui lui explique qu’il présente des symptômes de stress post-traumatique. « Je ne me comparerais jamais à ceux qui ont vécu des situations de guerre », précise Heer.
Des semaines après son retour, son corps reste en alerte, toujours sous tension. Il confie qu’il s’ennuie rapidement et a besoin de rester actif. « Regarder Netflix ou se prélasser sur la plage ne me convient pas », explique-t-il. Au lieu de se reposer, Heer se concentre sur la recherche de nouveaux sponsors pour son équipe de voile, organise des conférences et multiplie les rencontres avec des partenaires. Dans ses discours, il utilise des expressions comme « campagne de startup », « flux de revenus » et « étiquette de prix ». En tant que skipper et PDG de son équipe, il assume également le risque financier. « Je porte plus souvent une chemise blanche lors de mes réunions qu’une combinaison de mer », dit-il.
Un défi sans sponsors : le parcours d’Heer
Heer a complété le Vendée Globe avec l’un des budgets les plus restreints de tous les participants, faisant face à des coûts d’environ trois millions de francs. Ayant quitté une carrière dans le secteur financier, où il menait une vie confortable à Hong Kong, la perte soudaine de son père l’a poussé à reconsidérer ses choix de vie. Étudiant, il avait déjà navigué comme membre d’équipage sur de petites régates, et aujourd’hui, il met tout en jeu pour réaliser son rêve, prenant le risque de tout perdre. Heer abandonne son emploi pour se former comme marin professionnel en Grande-Bretagne.
Lors de sa formation, il rencontre le skipper gallois Alex Thompson, qui l’intègre dans son équipe. Ensemble, ils parcourent plus de 60 000 milles marins, développant une forte complicité. Thompson, qui a fini sur le podium du Vendée Globe en 2013 et 2017, encourage Heer à relever ce défi, lui disant que le moment est venu pour lui. Heer se souvient : « J’ai demandé l’avis de ma femme et de ma mère. Elles n’étaient pas vraiment convaincues, mais ont ri en me disant : ‹Essaie juste.› »
Cette réaction le motive davantage. Heer s’active pour rassembler les fonds nécessaires, crée sa propre équipe et acquiert un bateau plus ancien. Au départ, il n’a pas de sponsors. Bien que le Vendée Globe soit un événement emblématique en France et connu dans certaines régions de Suisse, peu de personnes en Suisse alémanique s’y intéressent. « J’étais dans une situation difficile dès le début. Mais ma passion pour la voile et ma détermination m’ont poussé à aller de l’avant », conclut Heer.