jeudi, décembre 19, 2024

Négociations d’un traité bilatéral : la Suisse suscite des frustrations à Bruxelles avant la conclusion.

Les négociations entre la Suisse et l’UE pour un nouvel accord bilatéral sont marquées par des tensions croissantes, notamment autour des questions d’immigration et de libre circulation. Les parlementaires européens craignent que l’introduction de nouveaux thèmes par la Suisse complique davantage les discussions. La Commission européenne espère finaliser cet accord, essentiel pour les relations commerciales, mais les divergences de perception et les préoccupations internes en Suisse rendent le processus difficile. La bureaucratie accrue pourrait également nuire aux entreprises suisses.

Des parlementaires européens avaient déjà anticipé des complications lorsque la Suisse et la Confédération ont débuté en mars les négociations pour établir un nouveau contrat bilatéral.

L’objectif de ces pourparlers est de résoudre les questions épineuses en adoptant une approche globale. Une compréhension commune, élaborée en amont par des experts des deux parties, sert de fondement aux discussions. Cependant, si la Suisse introduit de nouvelles thématiques dans les échanges, les parlementaires préviennent que l’UE pourrait en faire de même, rendant la situation encore plus complexe.

C’est précisément ce qui s’est produit. Par exemple, la Suisse a exprimé le désir de restreindre l’immigration dans certaines situations ; en réponse, l’UE a exigé d’étendre la libre circulation des personnes aux étudiants. D’autres propositions émergent également en Suisse, comme la possibilité de dissocier l’accord sur l’électricité des autres discussions.

Émergence de nouveaux enjeux

La portée des discussions s’est donc élargie. La Suisse et l’UE semblent se trouver au même stade qu’en novembre 2018, lorsque l’UE souhaitait conclure les négociations sur un accord-cadre. Cet accord devait garantir la participation partielle de la Suisse au marché intérieur de l’UE.

Au printemps de cette année-là, une délégation de l’UE a rencontré des représentants suisses, y compris le conseiller fédéral Ignazio Cassis. D’après les rumeurs, cette rencontre a pris un tournant chaotique. Malgré cela, à la fin des pourparlers, l’UE pensait avoir finalisé l’accord. Cependant, le Conseil fédéral a souhaité clarifier des questions non résolues, comme celles liées à la protection des salaires, et a finalement mis fin aux négociations en mai 2021.

Chaque fois qu’un point problématique est résolu dans les discussions avec la Suisse, un nouveau sujet fait surface, se plaint un ancien haut représentant de l’UE, impliqué dans ces négociations. Il ajoute que la Suisse ne peut pas se concentrer uniquement sur ses propres préoccupations, car il existe aussi des questions cruciales pour l’UE.

La Commission prête à poursuivre les négociations

Les pourparlers à Bruxelles révèlent à quel point l’UE et la Suisse ont souvent du mal à comprendre le système politique de l’autre. Il est désormais reconnu à Bruxelles que le gouvernement suisse doit soumettre le projet de contrat à un référendum, ce qui crée une incertitude constante quant à son aboutissement.

Cependant, les négociateurs européens peinent à accepter que de nombreuses organisations en Suisse s’impliquent dans le dossier européen. La Commission est habituée à traiter avec des États-nations, mais pas avec des cantons ou des associations, souligne l’ancien haut représentant de l’UE. En revanche, la Suisse ne parle pas d’une seule voix, et la manière dont elle s’organise en interne est considérée comme un problème qui ne concerne pas l’UE.

L’accord avec la Suisse revêt une grande importance pour l’UE, surtout parce que le pays est le quatrième partenaire commercial le plus significatif de la Confédération, dans un contexte de tensions avec les États-Unis et la Chine. Maros Sefcovic, commissaire de l’UE responsable des relations avec la Suisse, souhaite que les négociations aboutissent, tant pour des raisons de prestige que parce que cela fait déjà dix ans qu’elles sont en cours. Ces discussions font partie des plus intenses qu’il ait menées au cours de sa carrière, déclare Sefcovic.

Toutefois, la portée de cet accord n’est pas perçue de la même manière par l’UE que par la Suisse. Dans les États membres, il n’y a pas de débats sur la manière d’organiser la relation avec la Suisse. Les gouvernements laissent la Commission européenne gérer les négociations, qui tiennent les États membres informés.

Tant que la compréhension commune reste le fil conducteur des discussions, il n’y a pas d’obstacles majeurs à la Commission. Ainsi, les représentants de la Commission peuvent poursuivre les négociations, alors que les circonstances du côté suisse compliquent la situation.

Relativement parlant, l’intérêt pour ces négociations est le plus fort chez les pays voisins de la Suisse. Certains parlementaires à Bruxelles notent qu’autrefois, l’Autriche et l’Allemagne avaient une certaine compréhension pour la Suisse, tandis que la France et l’Italie ont toujours adopté une approche plus rigoureuse.

Enfin, les pays d’Europe de l’Est se préoccupent principalement de ce qu’ils pourraient tirer du fonds de cohésion. Leur position est claire : la Suisse, en tant que pays riche, ne doit pas avoir accès au marché intérieur à un coût réduit.

Depuis 2007, la Suisse a investi environ 2,6 milliards de francs pour améliorer les conditions économiques et sociales dans des régions moins favorisées de l’UE. En revanche, le débat sur la libre circulation des personnes n’intéresse guère ces pays. Par exemple, la Pologne, en pleine croissance, préférerait que ses citoyens ne cherchent pas à travailler à l’étranger.

Les ambitions de la Suisse et le risque de bureaucratie accrue

Actuellement, il semble probable qu’un nouvel accord bilatéral échoue en raison de la question de l’immigration, laissant ainsi la relation avec l’UE dans une situation incertaine. Cet accord fait partie des priorités de la Commission depuis des années, selon l’ancien haut représentant de l’UE, qui se dit agacé de ne pas voir de progrès.

Les relations en Suisse se compliquent de plus en plus. Les décideurs politiques explorent diverses options pour atténuer les préoccupations, afin de rendre les propositions plus acceptables pour l’électorat.

La recherche d’une solution à la problématique de l’immigration, particulièrement sensible, s’avère délicate. D’un côté, de nombreux Suisses souhaitent une réduction significative de l’immigration en provenance de l’UE, tout en maintenant la libre circulation des personnes. Cette tension entre ces deux objectifs est désormais reconnue par quelques experts de la Suisse à Bruxelles.

Cependant, chaque mesure mise en place pourrait engendrer une bureaucratie supplémentaire. Les entreprises suisses et leurs concurrents européens se plaignent déjà des nouvelles règles imposées par l’administration.

Si la Suisse cherche à se prémunir contre les incertitudes qu’un nouvel accord bilatéral pourrait engendrer, cela signifierait une complexité accrue pour les entreprises.

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