Mother Night de Kurt Vonnegut Jr.


J’aime les livres qui montrent que le monde n’est pas tout bon ou tout mauvais ; ce n’est pas tout noir ou tout blanc. C’est des nuances de gris. C’est ce que Kurt Vonnegut fait dans La nuit des mères.

Le livre s’ouvre sur notre protagoniste assis dans une cellule de prison en Israël, en attente de son procès pour son rôle dans la diffusion de la propagande nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Nous apprenons rapidement qu’il envoyait des messages codés aux Alliés dans son émission de radio, et on se demande maintenant s’il est coupable ou non de crimes de guerre. Son encouragement à la haine contre les Juifs le rend-il coupable ? Son aide aux Alliés l’exonère-t-elle ?

Au fur et à mesure que nous apprenons à connaître Howard W. Campbell, Jr., nous voyons qu’il n’est d’accord avec aucun des deux côtés. Il patauge au milieu, peut-être parce qu’il n’a jamais beaucoup réfléchi à ce qui se passait ou peut-être parce qu’il ne se souciait que de sa propre vie et non de celle des autres. Je dirais qu’il est le plus coupable d’apathie.

Son apathie était-elle due à un défaut de caractère ou était-ce dû à son sentiment que les choses étaient hors de son contrôle et que pour se sauver, il ne devait se soucier de personne d’autre ?

Ce sont toutes des questions que le lecteur doit décider par elle-même et je ne suis pas sûr d’être arrivé à une conclusion concrète sur Howard.

Ce n’est pas mon livre Vonnegut préféré mais je suis quand même content de l’avoir lu. Vonnegut réussit à nous faire remettre en question ce que nous pensons et exige que nous voyions toutes les couches de gris. Il montre le mal dont certains humains sont capables, et il montre à quel point il est facile pour le reste d’entre nous de fermer les yeux sur la souffrance ou même, pire, de la considérer comme nécessaire.

Si vous ne vous souciez pas que les enfants soient arrachés à leurs parents et jetés dans des cages parce que ce n’est pas vous ou vos enfants, ou si vous vous fichez que des gens souffrent et meurent d’un virus parce que vous n’êtes personnellement pas tombé malade, vous sont coupables d’apathie. Si vous ne vous souciez pas de ce qui est fait aux personnes que vous considérez comme « les autres », vous ne parlerez pas pour leur défense et ne ferez rien pour les aider. Peut-être que vous ne blessez personne personnellement, mais avec votre silence vous apportez votre soutien à leur souffrance.

L’apathie nous permet de regarder ailleurs, de rester silencieux pendant que les autres souffrent. Il y a plusieurs raisons à cela et nous sommes doués pour nous leurrer que c’est la bonne chose de garder le silence ou même d’encourager ceux qui font du mal aux autres. Nous sommes tous coupables d’apathie à un certain niveau. Peut-être est-il impossible de vivre dans un monde avec autant de souffrance et de ne pas émousser nos sentiments d’empathie envers les autres.

Il est facile de s’en prendre à ceux qui pensent qu’il est acceptable de jeter les enfants Latinx dans des cages, mais qui d’entre nous vit sa vie en travaillant uniquement pour minimiser la souffrance des autres ? Qui d’entre nous fait tout ce qu’il peut pour résoudre la faim dans le monde ou prendre soin des réfugiés ? Qui a entièrement consacré son temps à débarrasser le monde du racisme structurel ? À un moment donné, nous tournons tous nos œillères. Ce n’est pas bon, et pourtant nous sommes tous coupables.

Il y a deux morales de l’histoire que je vois :

1) Nous ne voyons pas l’humanité de nos semblables lorsque nous voyons en termes absolus au lieu de couches de gris.

2) Être apathique, c’est ne pas penser et ne pas s’en soucier et quand nous nous permettons d’être apathique, peu importent nos intentions. Le résultat est le même : nous n’allégeons pas la souffrance des autres et, pire encore, nous pourrions même involontairement causer plus de souffrance.

Vonnegut nous rappelle d’approfondir et nous oblige à nous demander si les bonnes intentions suffisent à absoudre les actions de quelqu’un. Notre protagoniste ne pensait pas. Que déciderez-vous ?



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