Love Me Tender de Constance Debré critique – le sexe qui efface le moi | Fiction

« MTa mère est morte aujourd’hui. Ou peut-être hier » : la fameuse ouverture impassible de L’Étranger (L’étranger) d’Albert Camus. Aime moi tendrement commence sur un mode tout aussi dépourvu d’affect, avec une déclaration encore plus choquante : « Je ne vois pas pourquoi l’amour entre une mère et son fils devrait être différent des autres types d’amour. Pourquoi nous ne devrions pas être autorisés à cesser de nous aimer. Un fils peut se désintéresser de sa mère, mais pour une mère, rompre les relations avec son fils est un sacrilège.

Sauf Constance (Aime moi tendrement est une autofiction) n’a pas abandonné son fils, Paul, délibérément. Leur relation est une victime de sa sexualité. Dans sa vie antérieure, elle était une épouse et une mère parisienne, une avocate, une bonne fille. Lorsqu’elle a quitté son mariage de 20 ans, une garde conjointe de bonne humeur a été établie. Célibataire, Constance a subi une série de changements. Elle s’est coupé les cheveux, a porté des vêtements de garçons, s’est fait tatouer « fils de pute » sur le ventre. Elle passait ses journées à écrire un roman et ses nuits à courir après les filles. Mais elle était toujours une mère aimante. Du moins, elle l’était jusqu’à ce qu’elle dise à son ex-mari, Laurent, qu’elle était lesbienne et il a répondu en saisissant la garde de leur fils de huit ans.

Paul vous hait, dit-il, mensongèrement. Les visites s’arrêtent. Les semaines passent, un mur de silence à Berlin. Au bout de six mois, Constance demande le divorce et la garde partagée, pour recevoir une déposition l’accusant d’inceste et de pédophilie. Il comprend des passages tirés de romans de l’étagère de Constance, d’écrivains d’avant-garde comme le marquis de Sade, Jean Genet et Georges Bataille. L’avocat lit des passages de ces fictions comme s’ils s’appliquaient directement à la vie de Constance. En réponse, le juge accorde à Laurent la garde exclusive tandis que Constance reçoit des visites surveillées, surveillées par des experts. Une heure tous les 15 jours. Prochaine audience, deux ans.

En tant qu’enfant d’une mère lesbienne moi-même, j’ai lu le récit tendu et dépouillé de Constance de ces deux années suspendues comme une histoire d’horreur, une perte cauchemardesque d’autonomie et de contrôle, une ruine délibérée de l’amour à cause des préjugés et de la méchanceté. En même temps, il y a un plaisir indéniable à tirer de sa façon de réagir, de sa puissante évacuation des sentiments, de son impression de ramener un fusil automatique dans son passé. Elle démantèle les vestiges de « sa vie hétéro », réduisant ses journées à un cycle spartiate et discipliné de natation, d’écriture, de bars et de filles, en attendant que les choses changent. « A partir de maintenant, » écrit-elle, « je suis un cow-boy solitaire. »

C’est une occupation délibérée du masculin. Esthétique de dur à cuire, pas de sentiments ici. Constance est une hors-la-loi en blouson de cuir qui vole de la nourriture dans les supermarchés Franprix. Elle jette ses livres et ses vêtements, abandonne son appartement, abandonne tout apparat de confort ou de féminité. Les éléments bruts de ses journées sont décrits dans des listes implacables : le contenu d’une sous-location, le corps d’un amant, les rencontres hésitantes et humiliantes avec Paul.

Debré privilégie les phrases longues et interminables, parfois une page ou plus, séparées par des virgules en fragments déclaratifs, déclarations de faits plats et indiscutables. Contrôle total, avec un chaos total derrière vous. « Le monde se transforme en un squelette sans aucune chair. » C’est l’une des voix les plus compulsives que j’ai lues depuis des années.

Le sexe est une façon d’effacer le moi. « Des filles, des filles, encore des filles. J’augmente la dose juste pour ressentir le même effet… Comme un forçat qui compte les jours, je les coche, je fais des listes, je dessine un décompte sur le mur. Parmi ses vertus, Aime moi tendrement est un grand roman de croisière, un récit médico-légal de la dépendance au sexe et des blessures qui pourraient s’y cacher, qui refuse simultanément de nier les plaisirs à avoir en séparant l’érotique du romantique.

C’est aussi une vision de la vie queer qui n’a rien à voir avec l’identité, le mariage ou les nouveaux rites homonormatifs. C’est bizarre dans la vieille école transgressive de de Lee Edelman Pas d’avenir; queer comme refus du conformisme et de la sécurité, qui révèle « la famille » comme dispositif d’accumulation et de transfert de privilèges entre générations. Constance refuse de capituler, alors même qu’elle se bat pour avoir accès à son fils. « Alors oui, marcher sur les toits sans filet de sécurité, c’est comme ça que j’aime. » Elle choisit la liberté. Et quel prix elle paie pour cela.

Le dernier livre d’Olivia Laing, Tout le mondeest publié par Picador (£20)

Aime moi tendrement de Constance Debré (traduit par Holly James) est publié par Tuskar Rock (12,99 £). Pour soutenir la Gardien et Observateur commandez votre exemplaire sur guardianbookshop.com. Des frais de livraison peuvent s’appliquer

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