La cessation de l’accord de transit de gaz entre la Russie et l’Europe marque un tournant majeur, avec une dépendance réduite de l’Europe envers le Kremlin. L’Allemagne, malgré des investissements dans de nouveaux terminaux de GNL, maintient encore des relations secrètes. Les livraisons vers l’Extrême-Orient augmentent, mais la Russie perd son principal marché. L’UE prévoit de couper complètement ses liens énergétiques avec Moscou d’ici 2027, bien que des résistances subsistent.
La fin de l’accord de transit marque un tournant historique pour l’Europe, qui ne reçoit plus de gaz russe par les pipelines ukrainiens, une première depuis la guerre froide. Néanmoins, l’Allemagne maintient encore un certain degré de dépendance vis-à-vis du Kremlin, en raison de livraisons d’énergie secrètes qui se poursuivent.
Avec l’arrivée de 2025, une nouvelle ère débute : l’Ukraine n’ayant pas renouvelé l’accord de transit pour le gaz russe, Moscou a cessé comme prévu ses livraisons via les anciens pipelines soviétiques. En 2023, l’Europe a encore importé environ cinq pour cent de son gaz par le pipeline Urengoi-Pomary-Uzhhorod, qui acheminait le gaz des champs sibériens à travers la région de Souja, désormais sous contrôle de Kiev, vers la Slovaquie.
Avec l’arrêt effectif de cette dernière grande voie d’exportation, l’influence du gaz russe à bas prix sur le marché énergétique européen prend fin. Avant l’invasion de l’Ukraine, près de 13 pour cent des exportations de gaz russe vers l’Europe passaient par le pipeline ‘Fraternité’. Juste avant cette invasion, Moscou couvrait encore plus de 40 pour cent de la consommation annuelle d’énergie de l’Europe.
Une défaite majeure pour le Kremlin
Cette situation est désormais révolue. Avec la fin des transitations à travers l’Ukraine, la part de Russie dans les importations de gaz de l’UE devrait chuter durablement en dessous de 10 pour cent. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky se réjouit de ce que l’on considère comme ‘l’une des plus grandes défaites de Moscou’. Pour la première fois depuis la guerre froide, le Kremlin ne maintient plus l’Europe dans une situation d’étreinte énergétique, bien qu’il faille encore du temps avant que le continent ne se libère complètement.
La transition énergétique, cependant, a un coût élevé : les importations en provenance de la Norvège (30 %), des États-Unis (20 %), d’Afrique du Nord (14 %) et du Qatar (5 %) sont désormais plus onéreuses que les livraisons russes. De plus, l’Allemagne a investi des milliards d’euros dans la construction de nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL).
Le tournant est également un coup dur pour Moscou, qui perd son principal client européen. ‘C’est un événement historique. La Russie perd ses marchés et subira des pertes financières’, déclare Herman Halushchenko, le ministre ukrainien de l’Énergie. La cessation définitive des livraisons pourrait entraîner une perte de chiffre d’affaires d’environ cinq milliards d’euros pour Moscou.
La flotte fantôme : un défi pour l’Europe
Depuis l’invasion de l’Ukraine, Moscou s’efforce d’exporter davantage vers l’Extrême-Orient. Selon Standard & Poor’s, les exportations vers la Chine devraient atteindre 38 milliards de mètres cubes par an, un volume similaire à celui exporté vers l’Europe en 2023, plaçant Moscou comme le principal fournisseur de gaz de Pékin.
Cependant, le Kremlin peine à trouver un client équivalent. La Chine tire parti de la situation précaire de Poutine en négociant des réductions de prix d’environ 28 pour cent jusqu’à fin 2027, profitant ainsi du vide laissé par Moscou. Cela pose un défi à la caisse de guerre de Poutine, qui ne devrait pas se redresser rapidement.
À moyen terme, l’Europe ne pourra pas complètement rompre ses liens avec la Russie. La Hongrie, dernier pays de l’UE encore dépendant des livraisons russes, continuera d’importer du gaz via le pipeline Turkstream sous la mer Noire. De plus, la dépendance de l’Europe au pétrole russe demeure significative, même avec un embargo en place depuis l’invasion. Grâce à sa flotte fantôme, Moscou continue de vendre son pétrole à l’international, souvent par des voies détournées, ce qui permet à une partie de ce pétrole de se retrouver dans des véhicules et avions européens.
Selon les prévisions de Bruxelles, d’ici 2027, aucun approvisionnement énergétique ne devrait encore transiter de la Russie vers l’Europe. Le nouveau commissaire européen à l’énergie, Dan Jorgensen, a mis en place un plan d’urgence pour accélérer ce processus. Couper les dernières connexions énergétiques avec Moscou est sa priorité. Des discussions stratégiques avec l’administration Trump concernant d’autres livraisons de GNL des États-Unis devraient également avoir lieu. D’ici mi-mars, un embargo sur les livraisons de gaz naturel liquéfié russe à l’UE pourrait être mis en place, bien que des résistances de la part de la Hongrie et de la Slovaquie soient à prévoir. Selon Jorgensen, le reste de l’année devrait être aussi marquant que son début : ‘Un changement est nécessaire.’