Lettres d’un stoïcien de Sénèque


C’est un exercice intéressant de lire les lettres de Sénèque et celles d’Homère Iliade en même temps : vous avez une idée de l’arbitraire de nos catégories. Tous deux appartiennent ostensiblement à la « littérature classique », bien que huit cents ans les séparent. Sénèque et nous sommes divisés par un gouffre d’histoire plus de deux fois plus profond, mais son monde et le nôtre ont tellement plus en commun qu’ils n’en partagent avec les armées achéennes campées sur la plage de Troie. Encore et encore, tout en annotant mon exemplaire de ce livre, je me suis retrouvé à marmonner : « Mon Dieu, nous sommes toujours les Romains !

Lettres d’un stoïcien est une collection de Seneca Épîtres morales à Lucilius, superbement présenté, édité et traduit par Robin Campbell. J’avais lu récemment James Romm Mourir chaque jour, une biographie de Sénèque, qui m’a d’abord mis sur le parfum du titre actuel. Je cherchais depuis longtemps une entrée à Seneca, et c’était la bonne au bon moment pour moi.

Sénèque était à la fois un philosophe et un homme d’État, et tout en étant le tuteur et le régent de facto du jeune Néron, il était peut-être l’homme le plus puissant du monde occidental. Sénèque était aussi un grand hypocrite – du moins beaucoup de ses contemporains le pensaient. Il prêchait l’étreinte de la pauvreté tout en amassant d’énormes richesses. Il a défendu une vie irréprochable tout en encourageant ou du moins en fermant les yeux sur le meurtre par Néron de son propre frère et d’autres membres de la famille. À la fin, bien sûr, Nero s’est retourné contre lui aussi. En tant qu’homme âgé essayant de vivre tranquillement dans sa retraite, Sénèque reçut l’ordre de l’empereur de s’ouvrir les veines et de mettre fin à ses jours, et il l’a fait sans se plaindre.

Sénèque était-il un hypocrite, et cela le rendrait-il indigne de notre considération ? Disons que Sénèque n’est pas pour le jeune idéaliste ; il sera mieux apprécié par quelqu’un qui a au moins trois ou quatre décennies à son actif. La vie de Sénèque a été une démonstration particulièrement puissante de l’économie dans laquelle nous nous engageons tous, à un degré ou à un autre, lorsque nous essayons de vivre selon nos plus hautes convictions dans un monde qui oblige tous ceux qui ne seraient pas moine dans une cellule à se salir les mains. .

Ces lettres (qui se lisaient plutôt comme des essais) que Seneca a écrites au cours des dernières années de sa vie. Comme ils le démontrent, il était bien conscient de ses échecs, mais ils prouvent également son engagement continu envers la vie de la philosophie – la philosophie en tant que poursuite pratique de la sagesse, de la vie honorable, de la liberté de la peur, de la joie dans notre propre être, et compassion pour nos semblables. Il y a une humilité et une humanité dans ces lettres qui surpassent tout ce que vous pouvez trouver chez les confrères stoïciens de Sénèque, comme Marc Aurèle ou Epictète. J’ai pris tellement de notes. J’ai copié tellement de passages. C’est un de ces livres que vous voulez prêter à tout le monde, sauf que vous ne pouvez pas supporter de vous en séparer.

Quelques passages préférés :

Rien, à mon sens, n’est une meilleure preuve d’un esprit bien ordonné que la capacité d’un homme à s’arrêter là où il est et à passer du temps en sa propre compagnie.

Ce n’est pas l’homme qui a trop peu qui est pauvre mais celui qui aspire à plus.

Dans le cas de certaines personnes malades, c’est une question de félicitations lorsqu’elles se rendent compte par elles-mêmes qu’elles sont malades.

Vous devez inévitablement haïr ou imiter le monde.

Toute sottise porte le fardeau de l’insatisfaction d’elle-même.

Tout ce qui est vrai est ma propriété.

Les désirs naturels sont limités ; celles qui naissent d’opinions fausses n’ont nulle part où s’arrêter, car la fausseté n’a pas de point de terminaison.

Une personne qui a appris à mourir a désappris à être esclave.

Chaque homme a un caractère de son choix ; c’est le hasard ou le destin qui décide de son choix de travail.

Avec les afflictions de l’esprit… plus une personne est mauvaise, moins elle le ressent. Vous n’avez pas besoin d’être surpris, mon très cher Lucilius. Une personne endormie perçoit légèrement des impressions dans ses rêves et est parfois même consciente pendant le sommeil qu’elle dort, alors qu’un lourd sommeil efface même les rêves et plonge l’esprit trop profondément pour la conscience de soi. Pourquoi personne n’admet ses défauts ? Parce qu’il est toujours au fond d’eux.

L’homme qu’il faut admirer et imiter est celui qui trouve la joie de vivre et malgré cela n’hésite pas à mourir.

La nuit n’enlève pas nos soucis ; il les ramène à la surface.

Je préférerais te voir abandonner le chagrin plutôt qu’il t’abandonne. Bien que vous le souhaitiez, vous ne pourrez pas le garder très longtemps, alors abandonnez-le le plus tôt possible.

Quel que soit le moment où vous quittez la vie, si vous la quittez de la bonne manière, c’est un tout.

Il y a des moments où même vivre est un acte de bravoure.

Vous mourrez non pas parce que vous êtes malade mais parce que vous êtes vivant.

[A] la vie passée à contempler toute la variété, la majesté, la sublimité des choses qui nous entourent ne peut jamais succomber à l’ennui : le sentiment qu’on est fatigué d’être, d’exister, est le plus souvent le résultat d’un loisir oisif et inactif.

Vouloir en savoir plus qu’il ne suffit est une forme d’intempérance.

Ce serait un soulagement pour notre condition et notre fragilité si toutes les choses périssaient aussi lentement qu’elles l’étaient dans leur apparition : mais en l’état, la croissance des choses est un processus tardif et leur perte est une affaire rapide.

Nous naissons inégaux, nous mourons égaux.

A quoi ça sert d’aller à l’étranger, de déménager de ville en ville ? Si vous voulez vraiment échapper aux choses qui vous harcèlent, ce dont vous avez besoin n’est pas d’être dans un endroit différent mais d’être une personne différente.

Avoir peur, c’est avoir peur : personne n’a été capable de semer la terreur chez les autres et en même temps de jouir lui-même de la tranquillité d’esprit.



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