samedi, décembre 28, 2024

Les risques du Monstre d’Altri pour le chemin de Saint-Jacques et la Galice

La Galicie fait face à de vives inquiétudes liées à un projet d’usine de cellulose du groupe Altri, qui pourrait menacer l’environnement et les ressources en eau. Les résidents craignent une pollution de la rivière Ulla et des conséquences sur leurs moyens de subsistance, notamment pour les ramasseurs de coques. Malgré l’opposition massive et des manifestations, Altri défend son projet, affirmant respecter les normes de durabilité, tandis que des associations s’inquiètent de l’impact sur le chemin de Saint-Jacques.

Galicie : Un Territoire Confronté à des Défis Écologiques

Galicie, la région verdoyante située à l’extrême nord-ouest de l’Espagne, est renommée pour ses plages atlantiques et le fameux chemin de Saint-Jacques, qui attire chaque année près de 500 000 pèlerins. C’est ici que le groupe portugais Altri envisage de réaliser un projet d’envergure : la construction d’une usine de cellulose. Cette installation sera dédiée à la fabrication de fibres biologiques pour le secteur textile et sera implantée près du charmant village de Palas de Rei, qui arbore une église du VIIIe siècle et un château médiéval, des attractions pour les voyageurs sur la route du pèlerin.

Les Inquiétudes des Résidents Face au Projet d’Altri

Dès le départ, les habitants de Palas de Rei et des localités avoisinantes ont exprimé leurs craintes. En effet, ce projet, surnommé par certains le « monstre d’Altri », nécessitera une consommation quotidienne d’eau de 46 millions de litres, ce qui équivaut à la consommation totale des 324 000 résidents de la province de Lugo. Ana Correidora, biologiste et éleveuse locale, souligne que ce type d’initiative nuit à l’environnement en épuisant les ressources naturelles et en défigurant le paysage.

La source d’eau prévue pour l’usine est la rivière Ulla. Bien qu’Altri ait promis de reverser 30 millions de litres d’eau par jour dans la rivière après traitement, l’eau sera réchauffée à 27 degrés et chargée de polluants résultant de la transformation du bois en fibres. Correidora met en garde contre l’idée que cette eau pourra rester potable après ce processus. De plus, une cheminée de 75 mètres de haut sera érigée, contribuant également à la pollution de l’air.

Les impacts environnementaux ne s’arrêtent pas là. Les résidus polluants de l’Ulla pourraient finir dans l’estuaire Ría de Arousa, menaçant ainsi les moyens de subsistance de 4 000 ramasseurs de coques. En mai dernier, une flottille de 300 bateaux a déjà manifesté contre l’implantation d’Altri.

Pour alimenter cette usine, Altri nécessitera d’importantes quantités de bois, notamment d’eucalyptus, qui a déjà provoqué des dommages considérables dans les forêts de Galicie. Bien que la plantation d’eucalyptus soit interdite depuis 2021, un projet réussi d’Altri pourrait compromettre cette réglementation.

Des manifestations massives ont eu lieu à Santiago de Compostela, destination emblématique du chemin de Saint-Jacques, où des milliers de personnes ont exprimé leur désaccord. Les slogans tels que « Mayday, Mayday, ici Galicien », « Non à Altri » et « L’eau nous appartient, pas à l’usine de cellulose » ont résonné dans les rues.

Face à cette opposition, Altri reconnaît que la perception du projet est négative parmi les Galiciens, tout en affirmant qu’il respecte les normes de l’UE en matière de durabilité. Les fibres biologiques produites sont destinées à des entreprises textiles locales, comme Zara, et à des producteurs du nord du Portugal, un pôle traditionnel de l’industrie textile. Le président régional conservateur Alfonso Rueda a également renouvelé son soutien au projet malgré les manifestations.

Le sujet a même été soulevé lors de la commission des pétitions à Bruxelles, où plus de 23 000 objections ont été enregistrées. Cependant, les partis conservateurs à Bruxelles freinent pour l’instant une discussion sur le sujet. Les écologistes, quant à eux, continuent de revendiquer que l’entreprise ne bénéficie pas de subventions de l’UE, sur les 900 millions d’euros d’investissements envisagés, 200 millions étant attendus de Bruxelles. Les opposants espèrent qu’Altri abandonnera son projet sans ces fonds.

De plus, diverses associations s’inquiètent de l’impact de ce projet sur l’image du chemin de Saint-Jacques. L’association des amis du chemin de Saint-Jacques de Navarre a exprimé dans une lettre ouverte que des projets comme celui-ci compliquent la protection future du chemin. La cheminée de l’usine, prévue pour atteindre 75 mètres de hauteur, pourrait rivaliser avec le clocher de la cathédrale de Santiago, une image qui pourrait marquer les esprits des pèlerins.

José de la Riera, de la Confrérie internationale du chemin de Saint-Jacques, a clairement exprimé son indignation, rappelant que l’Espagne a ratifié en 1993 la désignation du chemin de Saint-Jacques comme patrimoine mondial de l’UNESCO, et qu’elle a la responsabilité de sa préservation. La persistance de tels projets au XXIe siècle demeure incompréhensible pour la confrérie.

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