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Dans ce roman tentaculaire et largement oublié de 1952, l’auteur William Gaddis prend pour thème le faux, le floconneux, le frauduleux et le faux dans la religion, le monde de l’art, le monde universitaire et tous les coins et recoins qu’il peut mettre sous son microscope satirique. . Dans sa portée, le roman est aussi large que Balzac, aussi rythmé que Kerouac et aussi rhapsodique que Thomas Wolfe. Les personnages, un flux toujours changeant d’ego individuels opposés à un monde absurde, sont tour à tour drôles, désespérés, trompés et myopes. Gaddis s’empare d’une grande partie du monde mais fait un travail magistral en le décomposant pour le lecteur afin que, dans ses détails, la comédie humaine se déroule dans toutes ses réactions compulsives à la peur dans une ère nucléaire d’après-guerre. En fouillant soigneusement toutes les manifestations de la peur sur le comportement humain, Gaddis réussit à montrer au lecteur à quel point la nécessité d’adopter un masque ou une personnalité est corrosive pour l’intégrité spirituelle.
L’histoire se déroule en grande partie à travers la vie d’Américains expatriés vivant en Europe. Il s’agit notamment d’artistes, d’écrivains, de musiciens, de faussaires et de prêtres catholiques, tous affligés de divers niveaux de pensée délirante qu’ils identifient comme leur propre recherche de vérité et leur propre identité. Leur problème universel est l’ego, qui ne leur apporte pas la satisfaction ou la sérénité qu’ils recherchent. Certains cherchent à se libérer de cette frustration liée à la toxicomanie et à un style de vie bohème, tandis que d’autres trouvent leur libération en s’efforçant de contrôler les autres. En fin de compte, ils vivent tous dans un enfer de leur propre création, purgeant des peines à perpétuité enfermés dans la prison de leur propre ego.
Le faussaire et le faussaire d’art se convainquent d’être de grands artistes grâce à l’habileté avec laquelle ils produisent des contrefaçons. Au moins une artiste trouve dans la dépendance à l’héroïne un substitut vide à l’amour et à la reconnaissance qui lui sont refusés. Un prêtre utilise les couches internes d’autorité et de protocole de l’Église catholique pour éviter d’affronter sa propre mortalité et son impuissance. D’autres personnages mineurs tentent de contrôler, de dominer ou de s’échapper physiquement pour éviter d’affronter la duplicité de leur vie.
À bien des égards, ce roman des années 1950 constitue un aperçu des changements sociaux survenus pendant la guerre froide et qui se concrétiseront dans les années 1960. L’angoisse sous-jacente des personnages est clairement identifiable comme étant la peur. C’est le genre de peur qui a poussé les écoliers sous leur bureau lors de simulations d’attaques nucléaires et qui a donné naissance à des modes de vie alternatifs comme moyen de dire non à « l’establishment » avec ses guerres étrangères, ses missiles balistiques intercontinentaux et son conformisme strict des entreprises. Ce sont des personnages nés de la Beat Generation qui deviendront plus tard les antécédents spirituels de la Dropout Generation. Dans sa quête d’authenticité, cette génération doit faire face à ses propres illusions et contradictions tout en faisant face à celles du monde, comme le montre clairement William Gaddis dans cet ouvrage.
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